Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/43

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

encore, fut placé dans l’état-major du génie de la place de Besançon. Il retrouva là un de ses anciens camarades d’école, le baron de Saint-Jacques, capitaine au Ier régiment d’artillerie légère. Les liens d’une vive amitié se resserrèrent plus étroitement que jamais entre les deux jeunes gens ; on les voyait presque toujours ensemble dans les mêmes promenades, dans les mêmes maisons. La famille du notaire Chéry était une de celles qu’ils fréquentaient le plus assidûment. Cette famille se composait du père, de la mère qui était une des plus belles femmes de la province à l’époque de Robespierre, de deux filles, Adèle et Élise, et d’un fils mort depuis. Mlles  Chéry, dont la cadette rayonnait alors d’une rare beauté, étaient reçues dans les salons les plus distingués ; liées d’une étroite amitié avec Mlles  de Bry, filles de notre préfet, elles étaient leurs compagnes fidèles dans les sorties et les bals.

À force de mirer ses coquettes moustaches dans les beaux yeux d’Élise, le baron de Saint-Jacques sentit son sang fermenter dans ses veines et le mal d’amour s’empara si bien de toute sa personne qu’il pria son ami Lefaivre de demander, en son nom, la main de Mlle  Élise Chéry. À une proposition si brusque, Lefaivre s’écria : « Tu es fou !… Élise est jolie comme les trois Grâces, mais elle est enfant gâté et pourrait bien avoir un caractère peu facile ; de plus, elle n’a pas un sou de dot et ton aisance ne te permet pas de prendre une femme sans fortune. Bref, ton idée est stupide. »