Page:Marteilhe - La vie aux galères, 1909.djvu/83

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
83
les galères de dunkerque

jour le major des galères lui vint annoncer sa liberté, le félicitant de ce qu’au lieu de périr entre les mains de la justice, le roi, au contraire, lui faisait grâce. Galafas, qui ignorait le piège qu’on lui tendait, accepta sa grâce avec joie. Sur-le-champ, le major le fit déchaîner et, lui mettant sa lettre de grâce ou passeport dans la main, lui dit qu’il était libre. Galafas ne fit qu’un saut pour sortir de la galère ; mais le clergé, qui avait machiné cette affaire et qui n’avait d’autre crainte que celle que Galafas refusât sa grâce, avait si bien aposté les suppôts de la justice sur le quai aux avenues de la galère que le pauvre Turc n’en fut pas plus tôt descendu qu’il se vit arrêter et conduire aux prisons de la ville. Il eut beau crier que le roi lui avait fait grâce de tout le passé. On lui répondit que Sa Majesté ne la lui avait fait que de sa détention comme esclave et non du crime qu’il venait de commettre. Enfin, il en fallut passer par là. La Justice, à la requête du clergé, lui fit son procès dans les formes et ayant atteint et convaincu ledit Galafas de sacrilège au premier chef, le condamna à être brûlé vif et ses cendres jetées au vent. Galafas en appela au Parlement de Douai. On l’y transféra pour y faire confirmer sa sentence. Mais comme il se passa beaucoup de temps depuis sa détention et pendant qu’il était à Douai, les Turcs des galères de Dunkerque trouvèrent le moyen de faire tenir une lettre à Constantinople qui fut remise entre les mains du Grand-Seigneur, lequel aussitôt fît appeler l’ambassadeur de France et lui déclara que si on faisait mourir Galafas pour un fait de cette nature que les Turcs ignorent être un crime, lui, Grand-Seigneur, ferait mourir du même supplice cinq cents chrétiens, esclaves français. Sur cette déclaration, l’ambassadeur de France dépêcha un exprès à sa Cour, qui donna ses ordres au parlement de Douai, en vertu desquels Galafas en fut quitte pour avoir le fouet le long du quai de Dunkerque, et au lieu d’esclave qu’il était, il fut condamné aux galères perpétuelles, ce qui fit son bonheur, car peu de temps après il fut délivré à plein, soit par politique envers le Grand-Seigneur, ou en vertu de quatre cents livres qu’il donna pour sa délivrance.