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Page:Marteilhe - La vie aux galères, 1909.djvu/94

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la vie aux galères

cale en haut par les écoutilles, dans des mannequins d’osier, lesquels on passe de main en main remplis de ces cailloux jusque sur le quai devant la galère, où deux hommes sont commandés par banc, avec des seaux pour puiser de l’eau de la mer à force, pour laver cet affreux monceau de cailloux et les rendre nets comme des perles. Quand ils sont secs, on les rentre dans la galère. Cette fatigue dure sept à huit jours, y compris le temps qu’on emploie, pendant que la saure est à terre, à caréner la galère, pour la radouber et calfater, ce qui occasionne aussi une grande fatigue aux galériens. La galère étant redressée, chaque jour jusqu’à ce qu’on l’arme produit nouvelle occupation. Premièrement, on visite les câbles des ancres dans la galère ; ensuite tout le cordage neuf s’approprie, et on le passe ou tiraille autour de la galère à force de bras pour le rendre souple et plus maniable. Cette occupation dure plusieurs jours. Vient ensuite la visite des voiles ; et, s’il en faut faire de neuves, c’est le maître comite qui les coupe, et les forçats les cousent, car il n’y a point de voilier sur les galères. Il faut aussi coudre les tentes neuves, raccommoder les vieilles, de même que les pavillons de rambade et ceux qui servent aux lits des officiers, et enfin tant d’autres ouvrages qu’il m’est impossible de les tous particulariser. Cela dure jusqu’au commencement d’avril, qui est d’ordinaire le temps où la Cour envoie ses ordres pour armer les galères.

Cet armement commence par espalmer les galères[1]. Pour cet effet, on renverse une galère sur une autre qui la soutient, tant que la quille ou carène de cette galère renversée se découvre hors de l’eau. Alors on frotte tout ce côté de la galère, depuis sa quille jusqu’en haut, de suif fondu. Après quoi, on la renverse de l’autre côté et on la frotte de même. Voilà ce qu’on appelle l’espalmage, qui est la plus rude de toutes les fatigues, à la vogue près.

  1. Espalmer une galère, c’était l’enduire d’une couche de suif. Cela se renouvelait deux ou trois fois l’an. (Vice-amiral Jurien de La Gravière. Les Derniers jours de la marine à rames, 219.)