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les galères de dunkerque

Ensuite, on arme la galère de son artillerie, mâts, ancres, cordages, vivres et munitions et tout ce rude ouvrage se fait par la chiourme, qui s’en trouve si harassée qu’on est obligé souvent d’attendre quelques jours pour mettre en mer, afin de lui donner le temps de se refaire.

L’année 1703 se passa sans que nous fissions rien que d’aller alarmer à coups de canon les côtes de l’Angleterre dans la Manche, et cela lorsque le temps le permettait, car il faut du calme pour les galères et tous les hivers nous allions désarmer à Dunkerque. En l’année 1704, nous fûmes dans le port d’Ostende pour y observer une escadre hollandaise, qui croisait à la hauteur de ce port, et lorsqu’il faisait calme, nous allions harceler leurs navires à grands coups de canon hors de la portée de leur artillerie, qui ne portait pas à beaucoup près aussi loin que celle des galères, lesdits navires ne pouvant se remuer à cause du calme, que nous choisissions pour ces sortes d’expéditions, et d’abord qu’il s’élevait un peu de vent, nous nous retirions dans Ostende.

Un jour que le vice-amiral Almonde croisait avec cinq vaisseaux de guerre hollandais à la hauteur de Blankenberghe[1], il fit rencontre d’un pêcheur de cette côte, auquel il donna quelques ducats, afin qu’il allât avec sa barque dans le port d’Ostende, pour avertir le commandant des galères, qu’il avait fait rencontre de cinq gros navires hollandais, revenant des Indes orientales, si pesamment chargés et leurs équipages si malades qu’ils ne pouvaient faire la manœuvre pour gagner quelque port de Hollande. Ce pêcheur, suivant ses instructions, vint dans le port d’Ostende faire son rapport à notre commandant, l’accompagnant de plusieurs circonstances qui paraissaient plausibles. Il disait entre autres choses qu’il avait été à bord de ces navires et y avait fait un bon négoce, leur ayant vendu tout son poisson. On croit facilement ce qu’on souhaite. Notre commandant donna dans le panneau et, à la marée montante, sur les dix heures du soir, nos six galères

  1. Blankenberghe, alors petit village de pêcheurs.