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les galères de dunkerque

faisait ainsi opiner, M. de Fontête répliqua sans plus hésiter : « Allons, messieurs, aux ennemis ! On verra si j’ai peur », paroles qui nous coûtèrent beaucoup de sang, du moins à la galère du commandant, car, ayant fait le signal du sauve-qui-peut, comme je l’ai dit, M. de Fontête, piqué du reproche que le commandant lui avait fait au conseil de guerre, s’obstina à ne pas se retirer du combat, agissant comme s’il n’avait pas vu le signal de retraite, et les cinq galères s’étant retirées par-dessus le banc, le commandant voyant cette galère en danger d’être coulée à fond, s’écria : « Fontête veut-il me défier d’être si brave que lui ? Allons, dit-il à son comite, fais voguer avant tout aux ennemis. » Le comite, qui sentait apparemment sa mort, se mit à genoux devant lui, le suppliant de n’y point aller ; mais le commandant, le pistolet à la main, l’ayant menacé de lui casser la tête s’il ne faisait exécuter ses ordres sur-le-champ, ce pauvre comite obéit et fît faire avant tout, pour aller porter l’ordre à M. de Fontête de se retirer. Le commandant vint donc se mettre encore une fois au milieu du feu des ennemis, et le premier boulet qui donna sur cette galère emporta la tête du pauvre comite. Le commandant, étant à portée de se faire entendre de M. de Fontête, lui cria de se retirer, ce qu’il fît aussitôt, et à la faveur du banc de sable il échappa, ainsi que la commandante, à la poursuite des Hollandais.

Pendant le reste de cette campagne, nous n’eûmes plus envie de recommencer de nouvelles expéditions. Celle des cinq navires prétendus indiens nous avait tellement abattu le courage et nous craignions si fort le vice-amiral Almonde que nous nous imaginions qu’il était partout avec ses feintes et ses stratagèmes de guerre. Ce fut pendant la campagne suivante que les alliés firent le siège d’Ostende. Nos six galères étaient armées dans le port de Dunkerque, et M. le chevalier de Langeron, mon capitaine, en fut fait chef d’escadre, son prédécesseur, le chevalier de la Pailletrie, étant allé prendre possession de la dignité de grand-baillif de Malte, pour laquelle cette religion l’avait choisi. Notre nouveau commandant reçut un soir un paquet de la