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montpellier-le-vieux

thonienne fort peu homogène, d’une cohésion très inégale et épaisse d’environ 150 mètres.

L’érosion seule a été l’ouvrier du travail merveilleux opéré aux dépens de ces roches.

Sur une échelle gigantesque, les eaux courantes ont enlevé les veines friables, sableuses, de la dolomie ; ainsi se sont creusées les avenues, les grottes, les corniches, les ogives, tandis que les noyaux plus compacts se dressaient en édifices, en murailles, en champignons, dont la base évidée et amincie témoigne de l’énergie du ruissellement. D’autre part, comme l’inclinaison de la zone entière dessinait, du nord au sud en général, la ligne d’écoulement, l’ensemble des rues a affecté le parallélisme qui rappelle si curieusement le plan des villes américaines.

À quelle époque géologique s’est effectué cet affouillement formidable ? Des hypothèses trop hardies pour être même formulés ici peuvent seules répondre à cette question.

Considérant, toutefois, la grande élévation et l’isolement de Montpellier-le-Vieux, qui se trouve comme posé sur une large terrasse en haut d’un socle pyramidal, on est forcé d’admettre que l’afflux des eaux ne s’est produit en ce lieu qu’antérieurement au creusement des vallées environnantes ; or ces vallées, taillées en véritables cañons, ont de 400 à 600 mètres de profondeur. L’âge de Montpellier-le-Vieux doit être, par suite, fort reculé.

La seule indication précise que l’on ait recueillie jusqu’ici est la suivante :

Dans le cirque des Rouquettes s’ouvre, à 733 mètres d’altitude, une grotte composée d’une unique et grande salle ; au fond de cette salle, sous un mètre de sable dolomitique non remanié qui forme tout le sous-sol de Montpellier-le-Vieux, on a trouvé quelques ossements épars d’Ursus spelæus (fémur, calcanéum, vertèbres axis et atlas, grosse canine, etc.). Ces os, il est vrai, ne gisaient pas en place ; mais ils ne sauraient avoir été amenés là que par une débâcle diluvienne ; aucune inondation de l’époque actuelle n’a pu les charrier en ce lieu, car il n’y a plus un filet d’eau courante dans tout Montpellier-le-Vieux ni à la surface du causse Noir. Donc, à l’époque déjà ancienne où des trombes abondantes enfouissaient les restes de l’ours des cavernes, le cirque des Rouquettes était creusé au moins jusqu’à 733 mètres, soit de 97 mètres, puisque son point culminant est à 830 mètres (la Citadelle). Les cataclysmes aqueux qui, clôturant les temps quaternaires, précédèrent la période géologique contemporaine, ont pu vraisemblablement achever Montpellier-le-Vieux ; ils ne l’ont pas construit à eux seuls.

Ainsi, élévation et isolement de la vieille cité, profondeur des vallées voisines, présence de l’Ursus spelæus dans une grotte basse, voilà trois présomptions graves en ce qui touche l’antiquité de Montpellier-le-Vieux.

Si l’on ne peut préciser davantage l’âge même de ces érosions ; si l’on ne peut déterminer non plus d’où venait le puissant courant qui les a produites, on est du moins à même d’établir comment ce courant a fonctionné pour effectuer son travail de désagrégation.

Coulant du nord sans doute, avec une force d’impulsion dont la cause reste inconnue, il aura, balayant la surface du causse Noir, buté contre le bourrelet de dolomies compactes qui forme le rempart, la circonvallation, le mur de clôture de Montpellier-le-Vieux. Refluant en arrière et sur les côtés, l’eau aura : 1° trouvé une issue partielle en pratiquant les sillons latéraux des ravins qui