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la grottologie

stalactites et stalagmites : toutes les observations ont donné jusqu’ici des résultats très différents ; rien n’est moins régulier ni moins constant que la production de ces dépôts.

Et dire qu’à Adelsberg, par exemple, on a observé qu’en treize ans la stalagmite s’accroissait de l’épaisseur d’une feuille de papier, est un renseignement sans précision et sans valeur scientifique.

Les cavernes à ossements demandent aussi quelques mots d’explication.

Voici comment leurs salles irrégulières, leurs couloirs et les poches de leurs parois se trouvent remplis d’ossements d’animaux éteints ou disparus (dits fossiles ou antédiluviens, à vrai dire de l’époque géologique quaternaire). (V. chap. XXL)

Quand les cavernes cessèrent d’être parcourues d’une façon habituelle par les courants d’eau qui les avaient formées, elles devinrent la tanière des animaux carnassiers, qui venaient y dévorer leur proie.

Mais, à la fin des temps quaternaires, de grandes débâcles aqueuses, que l’on a appelées à tort des déluges (V. chap. XXI et XXVI), et qui étaient dues soit à des tremblements de terre, soit à des fontes subites de glaciers, soit au vidage de lacs immenses, soit à d’autres grands bouleversements de la surface du globe, envahirent les grottes une dernière fois et, sous les blocs roulés, les galets et les limons, étouffèrent et anéantirent les espèces du grand ours, du grand chat et de l’hyène des cavernes. Les repaires de ces carnassiers furent leurs tombes ; le cataclysme les ensevelit vivants ou recouvrit la dépouille de ceux d’entre eux qui avaient déjà péri de mort naturelle.

Aujourd’hui on retrouve leurs ossements intacts sous une grande épaisseur du limon enfouisseur, ou simplement sous une croûte protectrice de carbonate de chaux, formée immédiatement au-dessus des carcasses (plancher stalagmitique). (V. p. 146.)

Les plus célèbres cavernes à ossements sont : en Bavière, Gaylenreuth (Franconie) ; en Angleterre, Kirkdale (Yorkshire) et Kent’s hole (Devonshire) ; en Belgique, celles des bords de la Meuse ; en France, celles du Jura, des Cévennes et des Pyrénées.

Les brèches osseuses ne sont que de petites cavernes, ou plutôt des fentes remplies à ciel ouvert, et de la même manière, par les eaux furieuses de la surface qui y ont charrié les ossements des animaux emportés par la catastrophe.

« Il peut arriver que des fentes reçoivent le squelette entier d’un animal. Lorsque les affleurements calcaires parsemés de crevasses et d’entonnoirs sont exposés à se couvrir de neige en hiver, alors les animaux sauvages qui en par- courent la surface, et qu’aucun signe visible n’avertit du danger, tombent dans ces abîmes que la neige dissimule, et y laissent leur dépouille entière. Plus tard, à la fonte des neiges, cette dépouille, bientôt réduite à sa carcasse osseuse, sera enfouie au milieu du limon rouge dont la surface des sols calcaires est toujours plus ou moins revêtue. » (De Lapparent.)

Les débris de l’homme et de son industrie se trouvent aussi dans les cavernes : nous renvoyons pour les détails aux chapitres XXVI et XXVII.

Voilà ce que sont les grottes ; infiniment curieuses pour le touriste, elles constituent pour les savants un sujet de recherches du plus haut intérêt.

Des animaux les peuplent encore (batraciens, poissons, crustacés, insectes) ; la plupart sont aveugles, merveilleusement adaptés par la Providence à leur milieu. On n’en a étudié encore qu’un bien petit nombre.