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l’aigoual

lieu de canton (2,855 hab. la comm., 1,228 aggl.), patrie du critique La Beaumelle (1727-1773), connu par ses démêlés avec Voltaire ; du regretté général Perrier (mort en 1888), qui a été directeur de la carte de l’état-major, et du savant anthropologiste et naturaliste de Quatrefages (né en 1810 au hameau de Berthezènes).

La route de Valleraugue à Meyrueis, par les accidents du terrain qu’elle traverse, par les vues splendides qu’elle procure, par la variété des cultures et les contrastes de climat qu’on rencontre dans son parcours, présente un réel intérêt.

De Valleraugue au pied de la côte de Lespérou, elle suit la vallée étroite de l’Hérault (nommé ici rivière de Malet), sur les bords duquel sont bâtis plusieurs hameaux, entourés de mûriers ou de belles prairies plantées d’arbres à fruits.

La montée de Lespérou offrira au botaniste de puissantes ressources ; il cueillera à chaque attitude des plantes rares ou utiles et y trouvera à la fois le poison subtil et des fruits savoureux : la digitale à côté de la framboise et de la fraise.

Durant la lente et fastidieuse ascension des sept grands lacets qui portent la chaussée de 624 à 1,270 mètres environ (au hameau de Lespérou), on s’élève, parmi de splendides châtaigneraies contre une paroi du cirque de la source de l’Hérault (V. p. 184), contemplant ensemble le sommet nuageux de l’Aigoual, avec sa vieille tour de Cassini ; l’Hérault naissant, qui forme une belle cascade au pied du bois de la Dauphine ; le col et la maison forestière de la Sereyrède (1,290 m,) ; enfin le riant vallon parcouru depuis Valleraugue.

À Lespérou on atteint le plateau des sources océaniques (V. p. 184), laissant à gauche deux routes, celle du Vigan au sud, celle de Saint-Jean-du-Bruel et Trèves par la Dourbie à l’ouest. Le paysage devient insignifiant ; le plateau est composé défaites et de ravinements alternés, sans aucun cachet ; le chemin, moins accidenté, traverse des bois de hêtres et le col Fauvel (1,340 m.), passe la source du Trévesel et suit la crête peu saillante (1,206 m.) qui sépare ce ruisseau, au sud (1,166 m.), de son affluent le Bonheur, au nord (1,127 m.).

Un peu après le col Fauvel se détache vers l’est la route forestière en construction (37,000 fr employés en 1889, 42,000 restant à dépenser jusqu’à l’achèvement en 1891) qui doit monter à la Sereyrède et au sommet de l’Aigoual. Elle remplacera le très mauvais chemin de chars qui va actuellement de Lespérou à la maison forestière, et dont les pentes, de 15 à 20 pour 100, sont funestes aux ressorts des voitures qui s’y risquent à la légère.

Après le moulin du Trévesel, la route de Meyrueis gagne le versant du Bonheur, le plateau, le village (1,110 m.) et l’ancien lac de Camprieu. Bramabiau mugit à portée de nos oreilles ; mais nous le connaissons déjà.

Remontant le cours du Bonheur dans la direction du col de la Sereyrède, qui, ouvert entre Lespérou et la source de l’Hérault, pourrait nous conduire à l’Aigoual, allons visiter plutôt, au milieu d’une ferme solitaire, la vieille chapelle de Bonheur, à 5 kilomètres à l’est de Camprieu.

Le 21 février 1002, sous le règne de Robert Ier, Henri de Roquefeuil fonda ou agrandit (?) l’hôpital de Notre-Dame de Bonheur pour y recueillir les pèlerins et voyageurs qui risquaient de se perdre dans les neiges en traversant la montagne. La tradition voudrait que sainte Enimie elle-même eût fondé cet établissement : il n’y a rien de certain sur ce point. Le nom primitif était Bonum augurium (Notre-Dame de Bon Présage), qu’une charte de 1150 altéra en Ecclesia et domus de Bonahur, d’où Bonheur dériva tout naturellement.