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principes de géologie

pouvait avoir lieu sans que les diverses parties de l’enveloppe éprouvassent une déformation : cette déformation causa des ruptures et des écrasements… En outre, la tendance de la masse entière à revenir à une figure à peu près sphéroïdale a fini par réduire l’écorce de la planète à diminuer son ampleur incommode, par la formation d’une sorte de rempli ; ce rempli prenait la figure d’un fuseau latéralement comprimé. La formation des montagnes paraît pouvoir s’expliquer par la compression latérale subite d’un fuseau de l’écorce terrestre. Les matières que la compression transversale a forcées à chercher une issue au-dehors ont passé à travers la surface auparavant unie du terrain (comme le doigt à travers une boutonnière), mais en crevant de bas en haut les assises superficielles, pour former des intumescences allongées. »

C’est ainsi (comparaison triviale mais parlante) que, dans un fruit trop mûr, si l’on exerce avec deux doigts une pression latérale sur les bords de la partie blette, on voit la peau se fendre en longueur et la pulpe gâtée saillir comme à travers une boutonnière.

Les dislocations du sol sont de deux sortes : les plis et les cassures. La cassure peut n’être qu’un pli brusquement rompu (voûte effondrée, voussoir brisé) quand les terrains qu’elle affecte ne sont pas assez souples pour se prêter à la flexion.

« Le refoulement latéral qui tend à faire occuper aux couches un espace horizontal moindre qu’auparavant a pour effet de les plisser : aussi cette action est-elle qualifiée de plissement ou ridement. Une coupe parallèle au sens du refoulement présentera alors une succession de courbures alternativement saillantes (convexes) ou creuses (concaves), dont chacune s’appelle un pli : un pli convexe est nommé anticlinal (voûte), parce que les couches plongent en sens contraire à partir du sommet ; un pli concave porte le nom de pli synclinal (fond de bateau), parce que les couches plongent des deux côtés vers le fond. » (Heim et de Margerie.)

« Le relief actuel des massifs de roches primitives provient, dans ses grandes lignes, d’un premier plissement des gneiss, résultant simplement de la difficulté qu’avait cette première croûte à continuer à s’appliquer sur le noyau intérieur de plus en plus condensé. » (L. de Launay.)

Dans les pays de montagnes l’influence des phénomènes de dislocation devient tout à fait apparente. Les couches stratifiées s’y montrent redressées, plissées, parfois renversées sur elles-mêmes, car les dislocations ont pour résultat de diminuer en projection horizontale l’espace primitivement occupé par les couches[1]

Il nous semble qu’on pourrait grouper les chaînes de montagnes en trois classes :

Celles que constituent des plissements simples, des sédiments non crevés au sommet ; elles affectent la forme de dômes ou de croupes arrondies, comme dans le Jura, par exemple : montagnes de compression ;

Celles où la fracture a soulevé une ou plusieurs tranches de terrain : ce sont les arêtes des couches brisées et relevées qui deviennent les crêtes des aspérités ; il y a alors en général pente douce à l’extérieur du ridement, et escarpement à l’intérieur, vers la cassure : montagnes de rupture (mont Perdu, dans les Pyrénées) ;

  1. Le développement des plis du Jura sur une surface plane donnerait, en projection horizontale, un accroissement de longueur de 7 kilomètres ; celui des plis des Alpes, un accroissement de 120 kilomètres. (M. Bertrand, Bull. de la Société de géologie, 3e s., t. XV, p. 239.)