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la grotte de nabrigas et la poterie paléolithique

(Lozère), aux deux tiers de la hauteur du causse Méjean ; elle s’ouvre largement sur la vallée de la Jonte, à 250 ou 300 mètres au-dessus de la rivière, au sommet et presque au bord des magnifiques escarpements dolomitiques qui encaissent le cañon. Son entrée, tournée au levant, mesure 7 mètres de largeur sur 3 de hauteur ; une série de salles et couloirs sans stalactites dignes de remarque s’y développe sur 150 à 200 mètres d’étendue totale et horizontale. Elle ne mérite aucune visite au point de vue du pittoresque.

En 1835, M. Joly (mort en octobre 1885 professeur à la faculté des sciences de Toulouse) trouvait dans cette caverne un assez grand fragment de poterie

COUPE DE LA POCHE DE NABRIGAS

grossière (fond de vase) façonnée à la main, peu cuite au feu, mêlée à des ossements d’Ursus spelæus ; sur un crâne de ce carnassier il vit, en même temps, la cicatrice d’une blessure qui paraissait faite avec un instrument tranchant (silex taillé) ; s’appuyant sur ces découvertes, M. Joly émit donc, l’un des premiers, l’idée que l’homme avait pu être contemporain du grand ours des cavernes, et pratiquer dès lors l’art du potier de terre. La proposition était hardie, et la note ou le jeune savant décrivait Nabrigas et exposait, pièces et démonstrations en main, sa manière de voir, passa presque inaperçue[1]. Quoi d’étonnant à cela, puisqu’il fallut à Boucher de Perthes, qui ne devait commencer ses travaux sur l’homme quaternaire qu’un an après, vingt-sept années de lutte et de persévérance pour triompher de l’incrédulité ?

  1. Bibliothèque universelle de Genève, année 1835 t. Ier, p. 349.