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Page:Martel - Les Cévennes et la région des causses, 1893.djvu/85

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les cévennes

La gravure du puits du Lac corrobore bien cette trop longue analyse des sentiments éprouvés !

Du reste, ce lac est tout petit (12 m. de longueur sur 6 de largeur et 3 de profondeur minima). Mais sa présence à 90 mètres au fond des Baumes-Chaudes, 280 mètres au-dessus du Tarn et 190 mètres en dessous du causse, est des plus intéressantes à constater au point de vue hydrologique qui m’y avait conduit. (V. chap. XXIII.)

En poursuivant sa route en corniche jusqu’au Rozier, le promeneur n’aura pas besoin de visiter les Baumes-Chaudes, aujourd’hui vides de leurs richesses préhistoriques et connues jusqu’à leur fond extrême. Tournant au sud, il passera au pied de la couronne 985, puis au signal trigonométrique de la pyramide est de Saint-Rome, à 950 ; il traversera successivement le hameau d’Almières, la route du Massegros aux Vignes et la commune de Saint-Rome-de-Dolan, accrochée sur la lisière du précipice. La marche est moins fatigante que la veille : il y a plus de sentiers frayés, et les pins, moins clairsemés, donnent une ombre bienfaisante.

Du promontoire coté 874 mètres, le Cinglegros se dresse au sud dans toute sa majesté, fermant presque entièrement le couloir du Tarn. À travers de véritables bois et par de doux chemins tapissés de mousse, on débouche bientôt en haut du cirque immense de Saint-Marcellin. Long en est le contour, au-dessus du hameau, de sa vieille église, des ruines de son fort et de son ermitage, car d’innombrables ravins l’entaillent ; mais de là seulement on se rend compte de sa beauté ; ses roches percées, ses aiguilles pointues, ses pans de murs drapés de lierre, donnent déjà une idée de ce que seront les fausses ruines du causse Noir, Madasse, Roquesaltes et Montpellier-le-Vieux, dont les silhouettes, à l’horizon, s’estompent vaguement. Le Mas-de-la-Font, microscopique à 500 mètres en contre-bas, verdoie gaiement près de la rivière blanche d’écume. Au point 893, et sur toute l’étendue du promontoire que le causse de Sauveterre projette vers le confluent de la Jonte, une heureuse variante s’introduit dans le panorama : à l’ouest se creuse le long ravin de Commayras, un de ses flancs porte le bourg de Mostuéjouls (782 hab. la comm., 559 aggl.), étalé à l’aise sur le penchant de la vallée élargie du Tarn ; comme une plaine, cette vallée fertile et riante est épanouie vers Millau ; l’œil se repose sur ce thalweg normal et cultivé ; à l’est, au contraire, le Cinglegros rétrécit encore la dernière section du cañon, comme s’il voulait empêcher le Tarn d’en sortir ; en face et au sud, le cap aigu du causse Méjean, où se hérissent les rocs dentelés de Capluc, s’effile, tranchant et fantastique, au-dessus du Rozier. Ici encore il faut attendre le coucher du soleil pour jouir du spectacle dans sa plus éclatante splendeur. La descente au Rozier, soit par les Églazines, village curieusement bâti sous un rocher qui le recouvre comme un parapluie ; soit par Liaucous (locus) (523 m.), qui possède une jolie petite église de style byzantin et l’aven de Convrines, n’est pas très commode : les sentiers manquent presque totalement, et les chèvres seules s’y trouvent à l’aise.

Montons maintenant sur le causse Méjean.