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le causse méjean. — les avens


CHAPITRE V

le causse méjean. — les avens.


Le désert de pierres. — Les avens. — La légende de la Picouse. — Rivière souterraine de Padirac, — Le déboisement. — Dénivellation du causse et profondeur du cañon. — Le lac de Carnac. — Deux routes : Meyrueis à Sainte-Énimie ; les Vignes à Florac. — la bataille de Carnac. — Le trésor du Mas-Saint-Chély. — La peur du causse. — L’avenc de Hures. — Le pas de l’Arc. — Panorama du mont Buisson. — Percepteurs et caussenards. — Capluc. — La légende du cheval. — Les corniches du causse Méjean.


Deux voies maîtresses seulement franchissent le désert du causse Méjean : celle des Vignes à Florac, de l’ouest à l’est, par Rieisse, la plaine de Carnac et le Mas-de-Val ; celle de Meyrueis (vallée de la Jonte) à Sainte-Énimie, du sud au nord, par la commune de la Parade et Carnac. La première est rejointe en deux points par les deux petites routes qui, depuis peu de temps, escaladent le causse Méjean à la Malène (V. p. 47) et à Montbrun. La deuxième détache, pour desservir la commune de Hures, un embranchement (c’est l’ancienne route de Sainte-Énimie) qui rejoint la voie de Florac près du Mas-de-Val. Et c’est tout, si l’on néglige quelques tronçons aboutissant en impasse à plusieurs hameaux isolés.

Le dernier des trois seuls chefs-lieux de commune du causse Méjean. Saint-Pierre-des-Tripiers, ne communique encore avec le reste du monde que par un chemin de chars descendant à la Jonte (au Truel) et impraticable après les grosses pluies. On s’explique la rareté des routes quand on a constaté sur place combien sont vraies les moroses descriptions de MM. Reclus et Lequeutre.

« Causse Méjean (Méjo, en patois), c’est causse médian, causse moyen, autrement dit causse de séparation entre le val du Tarnon à Florac, le val du Tarn à Sainte-Énimie, le val de la Jonte à Meyrueis. On traduisait à tort ce nom patois par causse majeur, mais ce bloc d’oolithe n’en est pas moins le premier des quatre grands causses : inférieur en étendue au Larzac et au plateau de Sauveterre, il est plus haut, plus froid, plus terrible, et aucun n’est isolé par de pareils précipices.

« Il ne tient au monde environnant que par un isthme de 1,000 mètres de large[1], entre Gatuzières et Frayssinet-de-Fourques. Par ce dos de roche, qui part du col de Perjuret et longe le vallon supérieur de la Jonte, le Méjean se rattache à l’Aigoual ; partout ailleurs il se casse en falaise blanche, rouge ou dorée, sur de vertigineux précipices de 400, 500, 600 mètres de profondeur. À l’est, il s’abat sur le Tarnon, vis-à-vis des Cévennes et de la Ramponenche. Au nord, au nord-ouest, à l’ouest, il finit soudain sur le cañon du Tarn, en face des parois du causse de Sauveterre, aussi hautes, aussi droites, aussi brillamment colorées que les siennes, et si proches, à travers l’effroyable abîme, que, si le Méjean et le Sauveterre s’avançaient chacun, tantôt de 500, tantôt de

  1. Dix mètres en un certain point de la crête qui joint le col de Perjuret (1,031 m.) à l’Aigoual.