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Page:Martha - Le Poème de Lucrèce.djvu/23

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vivante, ailée, immortelle. Le système est faux, mais les sentiments du poëte ne le sont pas. La science est surannée, mais ce qui est toujours jeune et d’un intérêt impérissable, c’est l’enthousiasme du poëte pour la science, sa confiance dans ses dé- couvertes et son admiration pour les lois immuables de la nature. Ses combinaisons d’atomes ne sont qu’une hypothèse arbitraire; mais quoi de plus vrai que ces vastes peintures où le poëte se plaît à montrer que rien ne périt dans le monde, que tout se transforme? Si les explications systématiques sont souvent erronées, les observations naturelles du poëte sont admirables et ses tableaux n’ont rien perdu de leur vérité ni de leur fraîcheur. A plus forte raison pouvons-nous dire que la partie morale du poëme est digne de la plus attentive curiosité. Il y a cette différence entre les erreurs physiques et les erreurs morales que les unes sont périssables et que les autres sont éternelles. L’erreur physique, une fois reconnue et condamnée par l’expérience, tombe à jamais dans l’oubli. L’erreur morale, mille fois convaincue, renaît, se transforme et subsiste toujours. Elle est indestructible comme la passion qui lui a donné naissance, et quand même elle paraît oubliée, que nous n’avons plus à la réfuter ni à la détester, elle nous intéresse encore, parce qu’elle est de l’homme et qu’elle fait partie de notre histoire. Qui de nous, à la lecture de certains livres