Page:Martin - Histoire des églises et chapelles de Lyon, 1908, tome I.djvu/134

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
88
histoire des églises et chapelles de lyon

protestante : combien d’églises et de monastères pillés, de reliques profanées, de familles décimées et que de traces encore fraîches du martyre de plusieurs prêtres et religieux ! Joignez à cela que, précisément lorsque survinrent les Clarisses, des dissentiments divisaient les Frères Mineurs de la province de Saint-Bonaventure, difficultés dont elles ne manquèrent pas de ressentir l’effet.

L’heure enfin sonna du soulagement mérité : un jour que sœur Louise, dont le noviciat avait été abrégé par ces longues tribulations et dont le progrès intérieur devançait les vertus des plus solides professes, s’abîmait en oraison, à son ordinaire, en l’église Saint-Bonaventure, elle se sentit pressée de Dieu de recommander ses sœurs au pieux président de Villars, l’un des meilleurs et plus actifs amis du couvent des Cordeliers, et qui était à cette heure agenouillé sur son prie-Dieu avec sa digne épouse. Elle l’aborda timidement à sa sortie de l’église, puis 1 éloquence de la vérité affluant à ses lèvres, elle supplia « si droit et si chaud » que M. de Mllars, remué en son intime, dit à sa femme : « Madame, prenons soin de ces pauvres religieuses » ; à quoi Mme  de Villars, loin d’y rien objecter, s’accorda de grand cœur, raconte un écrivain contemporain dont on regrette de ne pouvoir citer plus abondamment le savoureux récit. Tous deux donnèrent jour à sœur Louise pour lui parler en leur maison ; l’ayant entendue de nouveau, ils arrêtèrent entre eux que les Clarisses sortiraient de la maison si incommode qu’elles habitaient pour être mieux logées.

Sans délai M. et Mme  de Mllars cherchèrent un lieu propre à abriter les filles de saint François et après en avoir délibéré, ils choisirent l’ancienne recluserie de la Madeleine, située à mi-côte de la colline en la montée du Gourguillon. Là, depuis des siècles, des solitaires s’enfermaient dans une maisonnette entourée d’un étroit jardin et attenante à une église dédiée à sainte Madeleine.

Le 23 juillet 1599, Mme  de Villars conduisit elle-même en carrosse ses chères Clarisses dans leur humble solitude. « La rue de Gourguillon, écrit le franciscain Fodéré, est fort mal famée et il s’y fait toute la nuit un grand bruit de scandales et de batteries ; d’ailleurs la montée est si rapide que l’été on ne peut y faire cent pas que l’on ne soit tout en eau et l’hiver la neige et le verglas la rendent inaccessible ; ce qui arrive également à l’époque des pluies, car elle n’est plus alors qu’un torrent. En sorte que les personnes de qualité et de moyens, qui, en visitant les religieuses, auraient pu leur faire du bien, n’allaient que rarement dans ce monastère. Le dedans du couvent était, de plus, si étroit pour être borné d’un côté par la rue et de l’autre par le précipice qui donne sur la rue Saint-Georges, qu’il n’y avait pas deux appartements de plain-pied, les bâtiments penchant comme le terrain. » Le chroniqueur se plaint aussi « que la vue de Bellecour où se mènent jeux et passe-temps, de la Saône où l’on se baigne l’été et qui est toujours couverte de bateaux qui montent ou qui descendent, puisse détourner les religieuses de leurs méditations, car selon l’institution de leur ordre, elles ne doivent voir que le ciel en haut et que le dedans de leur monastère en bas et enfin, conclut-il, après d’autres menus griefs, le roc sur lequel est situé le monastère est si dur qu’on n’y pourrait faire des fosses pour y sépulturer les pauvres Dames, en sorte qu’après avoir gardé fidèlement la clôture