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lui dit soudain : « Mon enfant, il faut étudier le latin, et vous faire prêtre ; Dieu le veut. » Le « Dieu le veut » entra dans l’âme de l’enfant comme un ordre irrésistible du ciel, et depuis, il ne connut pas l’ombre d’un doute sur sa vocation. Dès octobre 1805, il était admis au petit séminaire de Verrières près de Montbrison. Là, les épreuves ne lui manquèrent pas. Il était demeuré timide ; la supériorité des connaissances de ses camarades plus jeunes que lui, ajoutait encore à sa crainte. Il avait dix-sept ans, était d’une haute taille, et d’une santé qui, après avoir été délicate, s’était raffermie par les travaux des champs. Son appétit, son allure empruntée prêtaient à rire et il s’entendit qualifier : le plus grand et le plus bête de sa classe. Mais bientôt il reprit le dessus. Sa régularité, sa docilité, sa piété lui acquirent l’estime et la confiance de ses maîtres qui n’hésitèrent pas à lui donner la charge de surveiller le dortoir, de préférence à beaucoup d’autres plus anciens et plus avancés que lui.

Ses condisciples d’ailleurs ne tardèrent pas à le respecter et à l’aimer, avec cette équité de sentiment qui caractérise les jeunes gens honnêtes et les rend bons juges les uns des autres.

Au grand séminaire, il ne se démentit pas. Tout au contraire, il se rapprocha très rapidement de l’idéal qu’il s’était proposé, dès son jeune âge : mortifications, renoncement à tout esprit propre, application aux bonnes œuvres de charité et de miséricorde, endurance, gaieté. Afin de se maintenir et de s’accroître dans les dispositions nécessaires pour réaliser ce programme, il se fit des règlements très détaillés, toute une comptabilité d’âme, comme autrefois il s’en était fait une de son pécule d’épargne. Jusque dans ses cahiers les plus intimes on le voit ordonné, ponctuel et ne supportant pas pour lui-même les moindres fautes. Il n’est pas rare que Dieu confie des travaux insignes à ce genre d’ouvriers.

Pendant les vacances, l’abbé Champagnat s’adonnait, avec une initiative et une ardeur singulières, où ses parents ne reconnaissaient plus sa gaucherie d’autrefois, à des catéchismes dont maintes grandes personnes venaient prendre leur part avec les enfants. Que de confessions particulières et générales, d’ignorants et de pécheurs endurcis, suscita-t-il ainsi, sans rien entreprendre sur le ministère des prêtres ! Et quand il fut prêtre à son tour, le 22 juillet 1816, des mains de Monseigneur Louis-Guillaume Dubourg, évêque de la Nouvelle-Orléans, de passage à Lyon, le catéchisme resta sa besogne favorite dans le gros village de Lavalla. Gardons-nous de taire qu’auparavant, il avait rencontré, au grand séminaire même, des âmes qui, soit intuition, soit expérience de ce qui manquait à l’apostolat catholique à peine restauré, s’étaient, comme lui, pénétrées de cette idée qu’il fallait d’abord, pour assurer le succès des missions auprès des fidèles et des infidèles jeunes et vieux de tous les continents, créer une congrégation nouvelle entièrement vouée à la sainte Vierge, une société de Marie dont l’avenir montrerait l’impérieuse nécessité. Il y eut sur ce principe une sorte de serment sacré et quelques conceptions précises échangées. Les uns le gardèrent, d’autres l’oublièrent ou le dispersèrent. Mais la semence était enfouie : elle devait, à l’heure marquée par le Soleil divin, germer, fleurir et fructifier, devenir enfin la Société de Marie, répandue aujourd’hui jusqu’en Océanie.