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prado

d’une école municipale nous attendaient, selon leur coutume, à la sortie des classes pour nous frapper. Mes camarades me mirent à leur tête parce que j’ai toujours été grand, et nous voici, eux derrière moi, juchés sur un tas de pierres, en face de nos petits adversaires qui ramassaient des pierres. Alors, du haut de ma forteresse improvisée, j’essayai de faire appel à la conciliation. « Ohé les amis, pourquoi nous attaquez-vous ? Quel mal vous avons-nous fait ? Allons nous-en chacun de notre côté ; nous avons déjà bien assez des punitions que les maîtres distribuent à vous, je pense, comme à nous. » Cet impromptu annonçait un orateur populaire. « Il cause bien ce gone-là » dirent les petits agresseurs et leur bande se dispersa. — Bravo, vive Chevrier », hurlèrent les camarades de l’ingénieux garçon.

Chapelle du Prado.

Chevrier savait se faire aimer : s’absentait-il de la classe, c’était une tristesse sincère, et dès qu’il y paraissait, on se le disputait d’un tel enthousiasme que le professeur dit une fois en souriant : « Mangez-le donc votre petit Chevrier, puisque vous l’aimez tant. » Mangez-le donc, n’était-ce point presque une prophétie ? Ne se donna-t-il pas à manger aux pauvres et aux méchants, et pour cela ne multiplia-t-il pas ses forces de l’âme et du corps, comme dom Bosco, son rival en charité ?

À dix-sept ans, il entra au petit séminaire de l’Argentière. Il y fit de bonnes études : il n’était pas d’une intelligence brillante, ni aussi rapide que son cœur, mais il y suppléait par une volonté assurée et constante. Son professeur de philosophie, l’abbé Brunel, a écrit de lui : « On pouvait voir sur son visage toutes les impressions de son âme ; aussi franc avec ses maîtres qu’avec ses condisciples, il avait sur ceux-ci un tel empire qu’il les menait à l’intelligence et à la pratique du bien, outre qu’il avait, en récompense de son innocence et de sa singulière docilité, le don qui ne s’apprend pas, de subjuguer les âmes et de les conservera la vérité. »