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missionnaires saint-joseph

grand-vicaire du cardinal de Richelieu, archevêque de Lyon, et, après un pèlerinage à Saint-Claude en Franche-Comté, ils se mirent de plein cœur à l’œuvre, non sans avoir fait le voyage à pied et en jeûnant au pain et à l’eau. Dieu les récompensa : cette première mission fut efficace, et l’on tomba d’accord qu’on en ferait désormais une chaque année. Dès lors Crétenet trouva sa voie : il savait où mener sa pacifique compagnie, qui ne tarda pas à devenir toute une armée. Tandis qu’il se jugeait indigne de monter dans l’Église au-dessus du rang de simple fidèle, il conduisait des prêtres, ce qui l’étonnait bien davantage que le monde, mais autrement, et sans qu’il put croire en cela usurper sur les règles et la hiérarchie, parce qu’il n’ignorait pas que Dieu choisit ses ouvriers où, quand et comment il veut. Le marquis de Coligny et le baron d’Attignat, à la vue du bien produit par les missions dans les rudes cœurs et les faibles intelligences des paysans, eurent des entretiens particuliers avec Crétenet, puis se donnèrent à la profession et à la pratique des plus stricts devoirs de la religion ; ils y amenèrent aussi leurs gens et les vassaux de leurs amples domaines.

Ceci nous conduit à l’an 1651. Cette année fut le baptême de feu de Crétenet et de ses compagnons. Une coalition d’hypocrites et de naïfs, faillit jeter bas l’arbuste encore si faible et si peu enraciné. Une clameur s’éleva contre « l’ignorant qui osait instruire, contre l’homme de petite naissance qui osait régenter » ; cette plainte était faite par tant de personnes de diverses conditions que le faible cardinal de Richelieu, archevêque de Lyon, fatigué et ébranlé de ce bruit, fit afficher, dans les carrefours, une ordonnance, par laquelle il déclarait excommunié « un certain chirurgien qui se mêlait de gouverner les prêtres ; il faisait défense à ces mêmes prêtres de se laisser conduire à l’avenir par les conseils de ce laïque qu’il sommait de comparaître devant lui, pour être examiné sur sa doctrine et ses empiétements. »

Crétenet ne perdit pas son humble assurance sous ce coup terrible. Il se crut excommunié, et l’on devine sa douleur. Toutefois, Dieu abrégea une si rude épreuve. Le bon cardinal n’était pas depuis une heure en colloque avec lui, que déjà le prélat était gagné ; il l’avoua fort honnêtement : « M. Crétenet, si je puis vous servir, je le ferai de tout mon cœur. » Un des missionnaires, M. Toniet, était revenu de la campagne pour dire au cardinal ce qu’étaient les missionnaires. Le prélat répondit : « Allez, Monsieur, continuez, le doigt de Dieu est là. » Puis il lit diligence pour retirer sa malheureuse ordonnance et en effacer l’impression dans le public. Toutefois cette persécution ne fut pas la dernière ; il s’en produisit deux autres très violentes, dont l’une au Puy, l’autre à Lyon même.

Crétenet enhardi, prit des pensionnaires dans sa maison, lança plus au loin ses moissonneurs d’âmes, se justifia de nouveau, avec ses fils spirituels, des sottes calomnies, et connut enfin la consolation indicible de voir triompher l’œuvre à laquelle il travaillait comme si elle eût été nécessaire à son salut même. Le prince de Conti ayant pris dans sa maison un des missionnaires pour aumônier, protégea la compagnie et l’employa dans le gouvernement du Languedoc à la réformation des mœurs et à la conversion des hérétiques. Quelques années plus tard, l’archevêque consentit qu’ils fissent un établisse-