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religieuses de jésus-marie

qu’on y donnait. En plus des langues étrangères, on y cultivait le dessin, la peinture et la musique. L’orphelinat possédait, de son côté, une juste renommée pour la fabrication des étoiles de soie, et les commandes y affluaient. Les ressources, fruits de la prospérité, permirent l’érection d’une nouvelle chapelle, celle qui existe aujourd’hui.

Quelques années plus tard, on construisit dans l’enclos un vaste bâtiment destiné aux orphelines, appelé, pour ce motif, la Providence : on sépara ainsi complètement celles-ci des pensionnaires.

La petite communauté ne jouit pas toujours de la vie calme qu’on serait tenté de croire ; il survint divers événements qui mirent en péril non seulement son développement, mais son existence même. On a vu le rôle important joué par l’abbé Coindre dans la fondation et la prospérité de la Société de Jésus-Marie, ainsi que le résultat de ses démarches auprès de l’évêque de Saint-Flour. Ce prêtre vénérable avait été nommé vicaire général de Blois, puis directeur du Grand Séminaire. Épuisé par des travaux excessifs, il ne remplit pas longtemps ses nouvelles fonctions et fut emporté par une fièvre pernicieuse. Les religieuses des Sacrés-Cœurs comprirent l’étendue de la perte qu’elles venaient d’éprouver : leurs constitutions étaient à peine ébauchées et le règlement loin d’être définitif. Qui donc allait continuer l’œuvre commencée ? Mgr de Bonald, qui s’était tant intéressé à l’œuvre, la prit sous sa protection et, durant le temps qu’il occupa le siège archiépiscopal de Lyon, il ne cessa de donner à la Congrégation des témoignages de sa sollicitude. Par ailleurs, M. l’abbé Rey, aumônier de la maison, continua l’œuvre entreprise, et lorsqu’il s’éloigna pour fonder à Oullins une œuvre similaire de jeunes gens, il emporta les regrets unanimes de l’institut.

Une nouvelle cause de trouble et d’alarme pour la société fut la situation politique qui survint à cette époque. Si l’institut n’eut pas à souffrir de la révolution toute pacifique de 1830, il éprouva, en revanche, les effets de l’émeute de 1834. Les troupes régulières pénétrèrent dans l’enclos, s’établirent dans le monastère et de là délogèrent facilement les insurgés campés sur la place de Fourvière. La maison fut occupée pendant trois semaines, parce qu’on craignait un retour offensif des émeutiers. De plus, les autorités militaires appréciant Fourvière comme point stratégique éminent, songeaient à y établir des fortifications et à convertir la place en forteresse redoutable, par sa position qui dominait la ville. Les offres pécuniaires, fort avantageuses d’ailleurs, faites à la communauté et aux propriétaires voisins, furent refusées, et le projet abandonné. On comprend facilement l’émoi que ce projet avait soulevé dans la communauté, qui déjà s’occupait de chercher un autre asile en cas d’expropriation.

Un événement d’un autre ordre alarma également la petite société et en particulier celle qui en avait la direction. Des personnes appartenant à la communauté conçurent le projet de réunir leur congrégation à celle des religieuses du Sacré-Cœur dans le but, sans doute, de consolider l’une et l’autre. C’était, pour la première, perdre l’autonomie et s’éloigner du but qu’elle s’était assignée dès l’origine. Aussi Mlle Thévenet eut-elle assez de bons sens et d’énergie pour refuser cette proposition qui eût été la mort de la congrégation. L’incident fit comprendre les désagréments résultant de la similitude des noms ; c’est pourquoi on