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la compassion

vail et aux pratiques de la vie chrétienne. Les deux directrices se retirèrent, l’une d’elles entra à l’hospice et se consacra au service des malades. Des personnes considérables de la ville prirent grand intérêt à l’œuvre naissante, et les négociants eux-mêmes firent des avances pour faciliter le travail.

Les deux religieuses se mirent à l’œuvre ; par une charité infatigable, une grande bonté jointe à une prudente fermeté, elles gagnèrent l’esprit de leurs filles, rétablirent l’ordre et la paix ; elles eurent pourtant bien des peines à endurer : souvent l’étoffe tissée était mal faite ou gâtée, et les sœurs passaient quelquefois la nuit à réparer les fautes des pénitentes. En principe le travail devait fournir à la subsistance et à l’entretien de la maison Sainte-Pélagie, mais de fait il était impossible que les ressources du travail de ces jeunes personnes peu accoutumées à une vie régulière, fussent suffisantes. Aussi M. Dupuis et les religieuses, ainsi que plusieurs frères de l’Antiquaille, dévoués à l’œuvre, se firent-ils un devoir d’employer à la quête les jours de repos que le règlement accorde chaque mois. On voyait le digne fondateur, comme un autre saint François Régis, porter à sa famille adoptive, avec la parole de Dieu, tout ce qu’il pouvait trouver dans ses quêtes. Il n’ignorait pas que la pauvreté se faisait sentir à Sainte-Pélagie dans toute sa rigueur, puisque parfois, après le souper du soir, il ne restait pas un morceau de pain pour le déjeuner du lendemain. De plus, les jeunes filles étaient vêtues fort pauvrement : une jupe d’une façon et une taille d’une autre, un tablier de toile bleue, enfin un bonnet d’indienne composaient le costume.

Tant de travaux et de fatigues épuisèrent les forces du saint prêtre, qui tomba gravement malade. Il profita des moments où la souffrance lui laissait plus de liberté d’esprit pour prier M. Laffay de se charger du soin spirituel et du temporel de ces pauvres filles. Celui-ci, malgré ses répugnances, n’osa refuser cette dernière consolation à son frère, il lui promit défaire tout ce qu’il désirait pour la providence, et le digne malade, débarrassé de ce cruel souci, fit avec la plus grande édification le sacrifice de sa vie tout entière consacrée au bien. Huit jours s’étaient à peine écoulés lorsqu’il rendit le dernier soupir. Sa protection se fit pourtant sentir à plusieurs reprises sur la communauté. Voici, par exemple, comment dans une circonstance, le défunt encouragea sœur Bernard ; celle-ci employée au service des malades était une des plus dévouées à l’œuvre naissante, on l’a regardée jusqu’à sa mort comme la mère et la supérieure de la nouvelle providence quoiqu’elle habitât ordinairement à l’hospice. Un jour, entrant dans sa chambre, elle vit le digne prêtre à genoux sur un prie-Dieu. La sœur éprouva un moment de terreur, mais le défunt se tournant vers elle lui dit : » Ma sœur, ne vous découragez jamais. »

M. Laffay, plein de zèle et de dévouement pour l’œuvre de Dieu, ne se bornait pas au soin des âmes ; il voulut aussi, à l’exemple de Notre-Seigneur, contribuer, autant qu’il était en son pouvoir, à procurer les choses nécessaires à l’entretien du corps ; dans ce but, il quêtait, mais était reçu parfois avec mépris et brutalité. De plus, chaque matin et tour à tour, les frères de l’hospice portaient à la providence Sainte-Pélagie un peu de vin et de pain, fruit de leurs quêtes, et cette générosité aidait à la nouvelle maison à