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notre-dame de fourvière

qu’il administrait sous une tutelle aussi libératrice. La délibération, par laquelle le prévôt des marchands et les Échevins se vouèrent à Notre-Dame de Fourvière et s’engagèrent à lui porter, chaque année, l’hommage de la gratitude publique et de leur vénération filiale, fut conclue à l’Hôtel de Ville, le 12 mars 1643. Les conjonctures étaient graves ; l’heure navrante. Une soudaine recrudescence de la contagion pestilentielle, qui n’avait cessé, depuis quinze ans, de terroriser les habitants, ralentissant parfois ses ravages, pour éclater bientôt avec plus de violence, délaissant un quartier pour s’abattre sur un autre, épargné jusque-là, jetait partout un découragement universel ; elle menaçait de rendre inutiles les précautions d’ordre et d’hygiène que la police et la Santé s’efforçaient de maintenir et d’exécuter. Tous les chroniqueurs contemporains tracent de cette époque néfaste les plus sombres et les plus horribles tableaux ; l’imagination des poètes et des romanciers, depuis, n’a rien inventé, qui dépasse la réalité poignante, les angoisses cruelles, les scènes macabres, l’immoralité sauvage, dont quelques témoins, le capucin Grillot entre autres, ont essayé de fixer le souvenir. Lyon ne vit jamais peut-être ses demeures décimées par un fléau plus meurtrier, les esprits en proie à de plus terrifiantes superstitions, la sécurité, les fortunes, les relations sociales plus bouleversées et plus compromises. L’extrême misère réveille la foi, et la religion, dans l’excès du malheur, apparaît comme la suprême consolatrice, tant l’homme a besoin d’espérer contre toute espérance.

La piété consulaire s’était déjà tournée vers les sanctuaires les plus célèbres, les plus accrédités par les faveurs extraordinaires qu’on en rapporte. Des messagers, avec de riches présents, avaient été envoyés au Puy en Velay et à la Santa Casa de Lorette ; ici ils avaient suspendu à la voûte une lampe d’argent ; là ils avaient offert un calice et sa patène de vermeil. Nos magistrats se présentèrent eux-mêmes à Fourvière ; ils s’y acheminèrent à pied ; ils y écoutèrent la messe et remirent « la quantité de sept livres de cire blanche et un escu d’or au soleil ». La Nativité de la Sainte Vierge, le 8 septembre, avait été choisie à dessein pour l’accomplissement de cette cérémonie ; dorénavant la date en sera traditionnelle ; tous les ans, jusqu’à sa suppression, en avril 1790, le Consulat a tenu l’engagement, souscrit par Alexandre Mascranny, prévôt des marchands et par ses quatre collègues.

Les municipalités qui lui ont été substituées, soit par le Gouvernement, soit par le suffrage universel, se sont affranchies de cette obligation religieuse. Pas plus les maires de la Restauration et du Second Empire, que les élus de la Guillotière et de la Croix-Rousse, n’avaient cru opportun de ressusciter cette partie d’héritage de leurs prédécesseurs de l’Ancien Régime, les Tholozan, les Perrichon, les Dugas ; pour le deuxième centenaire du vœu, le cardinal de Ronald renoua la tradition brisée ; au lieu des conseillers qu’il n’aurait pas eus, il invita deux délégués de chacune des paroisses à répéter la consécration de 1643 ; il les constitua les représentants officieux de leurs concitoyens, auprès de Celle qui nous est demeurée aussi favorable qu’à nos ancêtres du xviie siècle, et dont nous n’espérons pas une moindre miséricorde.

Tant de célébrité et tant de vogue ne s’arrêtant pas de progresser, on songea à l’établissement d’une confrérie, semblable à celles, qui existaient déjà dans d’autres églises, où