Aller au contenu

Page:Martin du Gard - Le Cahier gris.djvu/117

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

suggérait toujours cent sottises à faire ; il n’avait jamais su résister à une tentation ; d’ailleurs il paraissait irresponsable, et satisfaire seulement un caprice de son démon. Le plus étrange reste à dire : bien qu’il fut en tout le dernier de sa classe, ses condisciples et même ses professeurs ne pouvaient s’empêcher de lui porter une sorte d’intérêt : parmi ces enfants, dont la personnalité somnolait dans l’habitude et la discipline, auprès de ces maîtres appliqués, dont le génie naturel semblait croupir, ce cancre, au visage ingrat, mais qui avait des explosions de franchise et de volonté, qui paraissait vivre dans un univers de fantaisie, créé par lui et pour lui seul, qui n’hésitait pas à se lancer dans les aventures les plus saugrenues sans jamais en craindre les risques, ce petit monstre provoquait l’effroi, mais imposait une inconsciente estime. Daniel avait été des premiers à subir l’attrait de cette nature, plus fruste que lui, mais si riche, et qui ne cessait de l’étonner, de l’instruire ; d’ailleurs il avait lui aussi quelque chose d’ardent, et ce même penchant vers la liberté et la révolte. Quant à Jacques, demi-pensionnaire dans une école catholique, issu d’une famille où