Page:Martin du Gard - Le Cahier gris.djvu/190

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« Et nous sommes encor tout mêlés l’un à l’autre,
« Elle à demi vivante et moi mort à demi…

« Et le Crucifix de Lamartine, tu le connais, dis :
« Toi que j’ai recueilli sur sa bouche expirante,
« Avec son dernier souffle et son dernier adieu…

« C’est beau, hein, c’est fluide ! Chaque fois, ça me rend malade. » Son cœur débordait. « À la maison », reprit-il, « on ne comprend rien, je suis sûr qu’on m’embêterait si on savait que je fais des vers. Tu n’es pas comme eux, toi », — et il pressait le bras d’Antoine contre sa poitrine, « je m’en doutais bien depuis longtemps ; seulement tu ne disais rien ; et puis tu n’es pas souvent là ».. Ah, je suis content, si tu savais ! Je sens que maintenant je vais avoir deux amis au lieu d’un ! »

« Ave Cæsar, voici la Gauloise aux yeux bleus… », récita Antoine en souriant.

Jacques s’écarta.

— « Tu as lu le cahier ! » s’écria-t-il.

— « Mais voyons, écoute… »

— « Et papa ? » hurla le petit, avec un