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Page:Martin du Gard - Le Cahier gris.djvu/24

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l’ouvrons, nous parcourons les premières pages… » L’abbé regarda les deux hommes de ses yeux vifs et sans douceur : « Nous étions édifiés. Aussitôt nous avons mis notre butin en sûreté, et pendant la récréation de midi, nous avons pu l’inventorier à loisir. Les livres, soigneusement reliés, portaient au dos, en bas, une initiale : F. Quant au cahier gris, la pièce capitale — la pièce à conviction — c’était une sorte de carnet de correspondance ; deux écritures très différentes : celle de Jacques, avec sa signature J. : et une autre, que nous ne connaissions pas, dont la signature était un D majuscule. » Il fit une pause et baissa la voix : « Le ton, la teneur des lettres, ne laissaient, hélas ! aucun doute sur la nature de cette amitié. À ce point, Monsieur, que nous avons pris un instant cette écriture ferme et allongée pour celle d’une jeune fille, ou, pour mieux dire, d’une femme… Enfin, en analysant les textes, nous avons compris que cette graphie inconnue était celle d’un condisciple de Jacques, non pas d’un élève de notre maison, grâce à Dieu, mais d’un gamin que Jacques rencontrait sans doute au lycée. Afin d’en avoir confirmation, nous nous sommes rendus