Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/131

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lui, durant des années, tout ce qu’un père peut supporter de son fils ? Et nierez-vous que toutes mes bontés soient restées sans effet ? Par bonheur j’ai compris à temps que mon devoir était autre, et, si pénible qu’il m’ait paru, je n’ai pas hésité à sévir. Vous m’approuviez alors. Le bon Dieu m’avait du reste donné quelque expérience, et j’ai toujours pensé qu’en m’inspirant l’idée de fonder à Crouy ce pavillon spécial, la Providence m’avait permis de préparer d’avance le remède à un mal personnel. N’ai-je pas su accepter courageusement cette épreuve ? Est-ce que beaucoup de pères auraient agi comme moi ? Ai -je quelque chose à me reprocher ? Grâce à Dieu, j’ai la conscience tranquille », affirma-t-il, tandis qu’une obscure protestation assourdissait légèrement sa voix. « Je souhaite à tous les pères d’avoir la conscience aussi tranquille que moi ! Et là-dessus, je m’en vais. »

Il ouvrit la porte : un sourire suffisant parut sur son visage ; son accent prit une intonation sarcastique, qui n’était pas sans saveur et sentait le terroir normand :

— « Heureusement, j’ai la tête plus solide que vous tous », fit-il.