Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/142

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Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté ! »

L’abbé, tout en parlant, voyait les traits de M. Thibault se rassembler et reprendre peu à peu leur équilibre ancien. Lorsqu’il eût terminé, le gros homme avait rebaissé les paupières, et il n’était plus possible de lire ce qui se passait en lui. Le prêtre, en lui rendant ce fauteuil, ambition de vingt ans, lui avait rendu la vie. Mais il demeurait encore amolli par le formidable effort qu’il avait fait sur sa nature, et pénétré d’une gratitude surhumaine. Ils eurent ensemble la même pensée : le prêtre, courbant le front, commença de réciter à mi-voix une prière d’action de grâces. Lorsqu’il releva la tête, M. Thibault s’était laissé glisser à genoux ; sa face d’aveugle, levée vers le ciel, était éclairée de joie ; un balbutiement agitait ses lèvres mouillées ; et sur le bureau, ses deux mains velues, si bouffies qu’on les eût dit piquées par des guêpes, enchevêtraient leurs doigts avec une ferveur touchante. Pourquoi cet édifiant spectacle fut-il soudain insupportable aux yeux de l’abbé ? À tel point qu’il ne put se retenir d’avancer le bras, jusqu’à heurter presque son péni-