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Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/216

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baiser à vif, en pleine bouche ; il en resta décontenancé, un peu dégoûté même de la fraîcheur, qu’après la chaleur du baiser, lui laissait cette salive étrangère. Elle avait remis son visage tout contre le sien et ne bougeait plus ; il sentait contre sa tempe battre ses cils.


Dès lors, ce fut le rite quotidien. Elle retirait sa broche dès l’antichambre et la piquait, sitôt entrée, à la portière. Tous deux s’installaient sur le canapé, joue contre joue, les mains au chaud, et restaient silencieux. Ou bien elle commençait quelque romance allemande, qui leur mettait les larmes aux yeux ; et, pendant de longs moments, ils balançaient en mesure leurs bustes enlacés, et mêlaient leurs haleines, sans désirer d’autres joies. Si les doigts de Jacques s’agitaient un peu sous la chemisette, s’il déplaçait un peu la tête pour frôler de ses lèvres la joue de Lisbeth, elle fixait sur lui ses yeux qui semblaient toujours demander qu’on fût gentil avec elle, et soupirait :

— « Soyez langoureux… »

D’ailleurs, une fois bien en place, les mains restaient sages. D’un accord tacite,