Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/246

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de sa procuration pour l’hypothèque, parce que la propriété lui appartenait à elle, par héritage. Il l’avait implorée, prétextant qu’il était sans le sou, acculé au suicide ; et il faisait, sur le trottoir, le geste de retourner ses poches. Elle avait cédé, presque sans lutte ; elle l’avait accompagné chez le notaire, pour qu’il cessât de la harceler ainsi, en pleine rue, — et aussi parce qu’elle était elle-même à court d’argent, et qu’il lui avait promis de prélever sur la somme quelques billets de mille francs, dont elle avait besoin pour vivre six mois, en attendant le règlement des comptes après le divorce.

— « Je vous répète que vous ne le connaissez pas, James. Il vous jure que tout est changé, qu’il désire vivre près de nous ? Si je vous apprenais qu’avant-hier, lorsqu’il est venu déposer en bas son cadeau pour l’anniversaire de Jenny, il avait laissé, à cent mètres de notre porte, une voiture… dans laquelle il n’était pas venu seul ! » Elle frissonna ; elle revit soudain, sur le banc du quai des Tuileries, Jérôme et cette petite ouvrière en noir, qui pleurait. Elle se leva : « Voilà l’homme qu’il est », cria-t-elle : « tout sens moral est chez lui à ce point