Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/26

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Bagnes d’enfants, où l’on décrivait par le menu la misère matérielle et morale des pupilles, mal nourris, mal logés, soumis aux punitions corporelles, abandonnés souvent à la brutalité des gardiens. Un geste de menace lui échappa : coûte que coûte, il tirerait le pauvre enfant de là ! Un beau rôle à jouer ! Mais comment ? Prévenir son père, discuter, il n’en était pas question : en fait, c’était contre son père, contre l’Œuvre fondée, administrée par lui, qu’Antoine s’insurgeait. Ce mouvement de révolte filiale était si nouveau pour lui qu’il en éprouva d’abord quelque gêne, puis de l’orgueil.

Il se souvint de ce qui s’était passé, l’an dernier, le lendemain du retour de Jacques. Dès la première heure, M. Thibault avait fait appeler Antoine dans son cabinet. L’abbé Vécard venait d’arriver. M. Thibault criait : « Ce vaurien ! Broyer sa volonté ! » Il ouvrait devant lui sa grosse main velue et la refermait lentement, en faisant craquer les jointures. Puis il avait dit, avec un sourire satisfait : « Je crois tenir la solution. » Et après une pause, soulevant enfin les paupières, il avait lancé : « Crouy. » — « Jacques au pénitencier ? » s’était écrié Antoine. La