Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/258

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frère vient de me raconter la vie que vous menez tous les deux, dans le petit appartement. Je suis si contente ! Deux frères qui s’entendent comme de vrais amis, voilà une si ravissante chose ! Daniel et Jenny s’entendent bien, eux aussi, c’est ma grande joie. Et cela te fait sourire, mon grand », dit-elle à Daniel qui s’approchait avec Antoine. « Il faut toujours qu’il se moque de sa vieille maman. Embrasse-moi pour ta punition. Devant tout le monde. »

Daniel riait, un tant soit peu gêné peut-être ; mais il s’inclina et effleura de ses lèvres la tempe maternelle. Ses moindres gestes avaient de la grâce.

Jenny, de l’autre côté de la table, suivait la scène ; elle eut un délicat sourire, qui enchanta Antoine. Elle ne résista pas à venir de nouveau se suspendre au bras de Daniel. « Encore une », pensa Antoine, « qui donne plus qu’elle ne reçoit. » Dès sa première visite, ce regard de femme dans cette figure d’enfant, l’avait intrigué. Il remarqua le joli mouvement d’épaules, qui lui échappait de temps à autre, pour soulever hors du corset sa poitrine naissante, puis doucement la laisser reprendre sa place. Elle ne ressem-