Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/273

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— « Ton frère vous a donc abandonnés ? » dit-elle à sa fille.

Jenny, avec un visage fuyant, déclara :

— « J’ai demandé à Daniel de développer mes clichés tout de suite. Oh, il n’en a pas pour longtemps. »

Elle évitait le regard de Jacques, se doutant bien qu’il n’était pas dupe : complicité involontaire qui aggrava leur inimitié. Il la jugea menteuse, et réprouva sa complaisance à couvrir la conduite de son frère. Elle devinait son jugement et s’en trouvait blessée dans son orgueil.

Mme  de Fentanin leur souriait, et leur faisait signe de s’asseoir.

— « Ma petite malade a joliment grandi », constata Antoine.

Jacques ne disait rien et regardait à terre. Il sombrait dans le désespoir. Jamais il ne redeviendrait comme autrefois. Il se sentait malade, malade jusqu’au fond de l’âme, à la fois faible et brutal, livré à ses impulsions, jouet d’une implacable destinée.

— « Êtes-vous musicien ? » lui demanda Mme  de Fontanin.

Il n’eut pas l’air de comprendre ce qu’elle disait. Ses yeux s’emplirent de larmes ; il se