Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/53

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Antoine s’était plusieurs fois tourné vers son frère pendant que M. Faîsme parlait. On eût dit que Jacques écoutait dans un rêve, et que, par instants, il dût faire effort pour être attentif ; alors une expression d’angoisse vague entr’ouvrait ses lèvres et ses cils tremblaient.

— « Sapristi, je bavarde, je bavarde, et voilà si longtemps que Jacques n’a pas vu son grand frère ! » s’écria M. Faîsme, en reculant vers la porte avec de petit gestes familiers. « Vous reprenez le train de onze heures ? » demanda-t-il.

Antoine n’y avait pas songé. Mais le ton de M. Faîsme impliquait que cela ne faisait pas de doute, et Antoine fut incapable de résister à cette offre d’évasion ; malgré tout, la tristesse du lieu, l’indifférence de Jacques, le rebutaient ; n’était il pas fixé dès maintenant ? Il n’avait plus rien à faire ici.

— « Oui », fit-il ; a je dois malheureusement rentrer de bonne heure, pour la contre-visite… »

— « Ne le regrettez pas : c’est le seul train avant celui du soir. À tout à l’heure ! »