Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/54

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les deux frères restèrent seul. Il y eut un court moment de gêne.

— « Prends la chaise », dit Jacques, s’apprêtant à s’asseoir sur le lit. Mais apercevant la seconde chaise, il se ravisa et l’offrit à Antoine, en répétant sur un ton naturel : « Prends la chaise », comme il eût dit : « Assieds-toi. » Et lui-même s’assit.

Rien n’avait échappé à Antoine, qui, aussitôt soupçonneux, demanda :

— « Tu n’as qu’une chaise, d’habitude ? »

— « Oui. Mais Arthur nous a prêté la sienne, comme les jours où j’ai leçon. »

Antoine n’insista pas.

— « Tu n’es vraiment pas mal logé », remarqua-t-il, jetant un nouveau coup d’œil autour de lui. Puis, montrant les draps propres, les serviettes :

— « On change souvent le linge ? »

— « Le dimanche. »

Antoine parlait de ce ton bref et gai qui lui était habituel, mais qui, dans cette pièce sonore et devant l’attitude passive de Jacques, semblait mordante, presque agressive.

— « Figure-toi », dit-il, « je craignais,