Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/95

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mois, quand papa vient pour le Conseil, on fait toujours des choses comme ça, des riens, pour que papa soit content… C’est comme le linge : ce que tu as vu ce matin, c’est du linge blanc qui est toujours dans mon armoire pour arranger la chambre, si jamais il venait quelqu’un… Oh, ce n’est pas qu’ils me laissent avec du linge sale, non, ils le changent bien assez souvent, et même si je demande une serviette propre en plus, on me la donne. Mais c’est l’habitude, tu comprends, pour que ça ait plus d’œil quand on entre…

« J’ai tort de te raconter tout ça, Antoine, tu vas encore croire des choses qui ne sont pas. Je t’assure que je n’ai à me plaindre de rien, que le régime est très doux pour moi, qu’on ne fait rien pour m’être désagréable, au contraire. Mais c’est justement cette douceur, tu comprends ?… Et puis, rien à faire ! Toute la journée attaché là, et rien, absolument rien à faire ! Au début les heures me paraissaient longues, longues, tu n’as pas idée ; et puis j’ai cassé le remontoir de ma montre, et à partir de ce jour-là ça a été mieux, et peu à peu je m’y suis fait. Mais je ne sais pas comment