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Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/97

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aveux, il avait conscience qu’il présentait de sa vie une image falsifiée, et qu’il ne pouvait pas faire autrement.

Ils n’avançaient guère ; la moitié du trajet restait à parcourir. Il était cinq heures et demie. Le jour était encore clair ; une buée montait de la rivière, débordait sur la campagne, les ensevelissait.

Antoine, soutenant le petit qui trébuchait, réfléchissait de toutes ses forces. Non à ce qu’il devait faire : il était bien résolu : arracher l’enfant de là ! Mais il cherchait le moyen d’obtenir son consentement. Ce n’était pas facile. Aux premiers mots, Jacques se suspendit à son bras, sanglotant, lui rappelant qu’il avait fait le serment de ne rien dire, de ne rien faire.

— « Mais non, mon petit, c’est juré, je ne ferai rien contre ta volonté. Seulement, écoute-moi. Cette solitude morale, cette paresse, cette promiscuité ! Moi qui, ce matin, avais cru que tu étais heureux ! »

— « Mais je le suis ! » En un instant, tout ce dont il venait de se plaindre s’effaça : il ne vit plus que les douceurs de sa réclusion, la monotonie des jours, l’oisiveté, l’absence de contrôle, l’éloignement des siens.