Page:Martin du Gard - Le Pénitencier.djvu/98

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— « Heureux ? Si tu l’étais, ce serait une honte ! Toi ! Non, mon petit, non, je ne peux pas croire que tu te plaises à croupir là-dedans. Tu te dégrades, tu t’abêtis ; ça n’a que trop duré. Je t’ai promis de n’agir qu’avec ton assentiment, je tiendrai ma parole, sois tranquille ; mais, réfléchis, regardons froidement les choses en face, toi et moi, comme deux amis… Est-ce que nous ne sommes pas deux amis maintenant ? »

— « Oui. »

— « Tu as confiance en moi ? »

— « Oui. »

— « Alors ? Qu’est-ce que tu crains ? »

— « Je ne veux pas retourner à Paris ! »

— « Mais voyons, mon petit, après le tableau que tu m’as fait de ton existence ici, la vie de famille ne peut pas être pire ! »

— « Oh si ! »

Devant ce cri, Antoine se tut, atterré.

Sa perplexité augmentait. « Nom de Dieu », se répétait-il, sans pouvoir penser à rien. Le temps pressait. Il lui semblait marcher dans les ténèbres. Tout à coup le voile se déchira. Il tenait la solution ! En une seconde tout un plan s’échafauda dans sa tête. Il riait.