Page:Martinaud - Lettre d'un jeune prêtre athée et matérialiste à son évêque le lendemain de son ordination.djvu/15

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La religion est l’enfance des peuples, l’athéisme est leur âge mûr.

Vous me demanderez peut-être, Monseigneur, comment l’athéisme que je disais tout à l’heure être une si grande école d’humanité a pu m’inspirer tant d’ingratitude envers la religion qui m’a élevé. Votre reproche serait juste, si la religion était à mes yeux ce qu’elle est aux vôtres. Mais, comme je la vois sous un tout autre jour, aurait-elle eu pour moi des tendresses de mère, mon devoir serait de l’abandonner.

Ce n’est pas pour moi, je vous assure, un titre de gloire que de lui avoir appartenu ; et cela prouve bien jusqu’à quel point vous êtes tombés dans l’opinion. Ceux qui ont eu. le bonheur d’échapper toute leur vie à vos pernicieuses influences, me regardent comme un homme qui a eu la vérole. Heureusement que je suis radicalement guéri.

Il s’en faut bien du reste que la religion eh ait été aux mignardises avec moi. Sauf quelques hommes parmi vous auxquels j’ai un regret sincère d’avoir fait de la peine en vous quittant, je n’ai guère eu à me louer de vos bienveillantes attentions. Vous m’avez fait horriblement souffrir. N’est-ce pas assez que de vous le pardonner, surtout après avoir payé vos gentillesses ? Vous voyez donc, Monseigneur, que même pour mes ennemis, j’ai plus de bonté qu’ils n’en méritent.


Je m’arrête, car en une fois on ne peut pas tout dire. Ce que j’ai dit suffira, je pense, pour atteindre le but que je me suis proposé : donner un exemple de courage. L’homme qui a écrit cette lettre est avant tout un homme sincère, qui a profondément réfléchi. Qu’on