Page:Martinaud - Lettre d'un jeune prêtre athée et matérialiste à son évêque le lendemain de son ordination.djvu/4

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Ces doutes, j’aurais pu les repousser, comme on repousse une lumière importune ; mais c’eût été lâcheté. J’aurais pu n’en point tenir compte dans ma conduite ; mais c’eût été hypocrisie. J’aurais pu enfin, dès leur première apparition, m’arrêter tout court, et revenir à mon atelier, m’assurant ainsi une retraite exempte d’inquiétude et honorée de tous ; mais c’eût été ne travailler que pour moi.

J’ai mieux aimé, nouvel Érostrate, essayer de brûler le Temple, au risque de m’ensevelir sous ses ruines. Voilà pourquoi j’ai fait les vœux, sans autre intention que de les fouler aux pieds le lendemain. Si je ne les avais pas faits, j’aurais eu l’air de les respecter, et qui a l’air de les respecter les fait vivre.

Je sais bien qu’en infligeant à vos mystères cette sanglante dérision, j’ai attiré sur ma tête la réprobation universelle. Il ne manquera pas d’esprits étroits pour me faire un crime de m’être joué de votre culte. On est encore assez généralement persuadé que, même dans ces choses là, il faut user de courtoisie envers vous. Eh bien ! c’est pour faire tomber ce préjugé, que je consens à en devenir la victime. Le principe qui doit lui être substitué, le voici :

« LES TYRANS DE LA PENSÉE NE MÉRITENT POINT D’ÉGARDS ! »

En acceptant parmi vous le dernier degré de l’initiation, je savais bien aussi que j’acceptais un nom odieux, celui de prêtre réfractaire. Le prêtre réfractaire, le pire de tous les apostats, parce qu’il est le plus éclairé ! Je me suis souvent demandé d’où peut venir l’horreur qu’inspirent les apostats ; et j’ai vu que là aussi se cache un préjugé : Il n’est pas permis, pense-t-on de renoncer à la