Page:Martinaud - Lettre d'un jeune prêtre athée et matérialiste à son évêque le lendemain de son ordination.djvu/7

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de l’humanité, en essayant de l’affranchir de l’esclavage intellectuel, fondement de tous les autres.

Vous voudriez ranger l’athée parmi les griffons et les sphinx ; et moi, je ne trouve rien de plus naturel que l’athée.

Pour ne croire ni à l’existence de dieu, ni à celle de l’âme, une seule chose est nécessaire, une résolution bien prise de ne pas essayer de franchir les bornes de l’esprit humain ; pour soutenir l’un et l’autre dogme, il faut une résolution toute contraire. De quel côté, je vous le demande, se trouve la témérité ? Il y a longtemps que Pline le naturaliste a tranché la question. C’est vous qu’il accuse de hardiesse ; il va même jusqu’à taxer de folie ceux qui, comme vous, cherchent dans l’univers autre chose que l’univers lui-même, et dans le corps autre chose que le corps.

Si nous croyions en dieu, je comprends qu’il y aurait de notre part une audace inouïe à le nier : nous serions pires que les géants de la fable, qui voulaient détrôner Jupiter. Mais si nous le nions, c’est que nous n’y croyons pas ; et si nous n’y croyons pas, c’est que rien ne nous permet d’y croire. Est-ce là s’insurger contre le ciel ?


J’entends plusieurs d’entre vous qui nous disent : « Nous sommes vos médiateurs, nous voyons pour vous ! » C’est bien là qu’éclate toute votre arrogance. Vous, les médiateurs des peuples ! et de quel droit ? Ce que nous avons le plus de peine à voir, ce sont vos titres.

Peu importe que vous, adorateurs de Boudh, de Jésus ou de l'Être suprême vous soyez le grand nombre, et que nous, athées, nous soyons la minorité. Il ne saurait