Page:Martineau - Dupleix et l’Inde française, tome 1.djvu/128

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sans provoquer une crise ; il n’ignorait pas non plus que les Européens ne s’aimaient pas les uns les autres et qu’en ne prenant pas parti dans leurs rivalités, il avait l’assurance de les tenir divisés. À défaut d’entente générale, il eut semblé que les Français et les Hollandais, également jaloux des menées des Anglais, eussent dû se sentir particulièrement unis ; c’étaient au contraire les nations qui se délestaient le plus ; les Hollandais ne nous avaient pas pardonné les guerres de Louis XIV. En vérité, tout concourait à nous affaiblir et à convaincre le nabab de sa toute-puissance. Le gouverneur Lenoir a parfaitement déterminé cette situation respective des Maures et des Européens dans une lettre du 12 mars 1731 :

« La conduite que tiennent les Anglais et les Hollandais avec les Maures influe sur nous et autorise le nabab et ses officiers à nous inquiéter à la moindre occasion, pour tirer de l’argent comme il fait de ces deux nations et surtout des Anglais. Nous sommes néanmoins regardés dans l’Inde sur un tout autre pied qu’eux. Nous y sommes tranquilles et uniquement occupés de notre commerce, sans nous mêler d’autre chose, de sorte que, quand les choses nous chagrinent, nous devons nous en plaindre avec d’autant plus de raison et d’assurance que nous n’y donnons pas lieu. »

Les Anglais étaient mieux armés que nous pour soutenir une lutte commerciale ; ils avaient obtenu du Mogol un firman qui les dispensait de tout droit de douane. Cette faveur leur constituait une supériorité économique manifeste. Aussi parlaient-ils en maîtres dans toute la rivière. Sans avoir de supériorité officielle sur les autres nations, ils se l’étaient attribuée. Au début de novembre 1730, ils avaient, d’accord avec les Hollandais, exigé que nous donnions des passeports à nos embarcations naviguant dans le Gange bien que tous