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pendant trois mois d’hiver, ne se prête guère à l’activité et le temps se passe souvent dans une rêverie sans nom, à contempler sans les voir les barques à voile carrée qui se succèdent au fil de l’eau sur le vaste cours de l’Hougly.

Fort heureusement, il fut très occupé le premier hiver par le chargement des vaisseaux d’Europe et de ceux de l’Inde et il prit ainsi doucement l’habitude de vivre en une sorte d’isolement moral. Il n’avait aucune maison où il pût aller avec confiance. Les familles Guillaudeu et Saint-Paul, les premières par leur rang social, ne lui convenaient pas ; elles brouillaient tout le monde par leurs contes et qui voulait vivre en tranquillité devait les fuir comme la peste. Dupleix préférait rester chez lui dans un appartement qu’il partagea d’abord avec Jacquart et de la Croix. Vivant avec ces deux témoins fidèles de sa conduite, il passait son temps comme il pouvait, attendant qu’il plût à Dieu de lui envoyer quelqu’un qui pût le soulager et à qui il pût ouvrir son cœur avec confiance[1].

Jacquart et de la Croix, personnages honnêtes mais médiocres, ne pouvaient en effet lui tenir lieu de famille absente, pas plus que lui faire oublier les heureuses journées passées à Pondichéry dans l’intimité de M. et Mme  Vincens. Il eut fallu à Dupleix un intérieur plus intime ; il songea à se marier. Mais qui épouser au Bengale ? Des mariages très honorables et très assortis s’y contractèrent dans la suite, mais si l’on en juge par les familles Saint-Paul et Guillaudeu, la bonne société devait être fort clairsemée en 1731. Dupleix pria plus simplement son frère de lui chercher une femme en France et de la lui envoyer ; mais avant que la réponse

  1. B. N. 8979. p. 3. Lettre à Vincens du 4 octobre 1731.