Page:Martineau - Dupleix et l’Inde française, tome 1.djvu/169

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de Dupleix. Si Dumas, âgé seulement de quarante ans, restait dans l’Inde autant que quelques-uns de ses prédécesseurs et notamment Lenoir qui était revenu à Pondichéry en 1726, Dupleix approcherait de la cinquantaine, lorsque son ambition serait satisfaite. Encore n’était-il pas sûr de réussir ; déjà la voix publique désignait La Bourdonnais comme le successeur probable de Dumas et Dupleix lui-même ne considérait pas que cette nomination fut invraisemblable. Dumas était très protégé par Orry et surtout par son frère, Fulvy, commissaire de la Compagnie. N’étant pas venu dans l’Inde pour y conquérir des honneurs mais surtout pour y faire fortune, ne valait-il pas mieux pour Dupleix partir sans esprit de retour, si ses affaires le lui permettaient ? Or jusqu’en 1735, elles avaient convenablement réussi et son avenir était presque assuré. Aussi après la nomination de Dumas, songea-t-il très sérieusement à rentrer en France, où il pourrait faire bonne figure. Il en parla, il l’écrivit ; cependant il ne se décida jamais. La peur de l’inconnu, la crainte de lâcher la proie pour l’ombre sont autant de facteurs qui agissent puissamment sur le caractère même le mieux trempé, quand on n’est pas entièrement couvert contre les inquiétudes de l’existence ou les étroitesses de la fortune. Partagé entre le désir de quitter l’Inde où il n’espère plus occuper le premier rang et celui d’y rester pour accroître et consolider ses biens, Dupleix donnera ainsi pendant trois ans le spectacle d’un homme inquiet et indécis, trompant les autres et se trompant lui-même sur ses intentions véritables. Il ne se décida qu’en 1738 ; il avait alors fait en divers armements de grosses pertes qu’il fallait réparer. L’ouverture de la succession de Dumas paraissait de son côté devoir être moins éloignée qu’on l’avait d’abord cru et les chances de la Bourdonnais