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même ne les accusa jamais de cruauté mais seulement de mauvaise foi et de rapacité. La cruauté n’est pas un vice indien et les musulmans de descendance étrangère avaient fini en général par prendre les caractères de la race, infiniment douce et aimable, même quand il ne faut pas accepter cette amabilité pour argent comptant.

L’indifférence pour les intérêts du Mogol que Dupleix avait escomptée en 1732 s’était réalisée ; le nabab n’avait point réclamé le firman de 1718 et nous n’avions point payé les 40.000 roupies qui en étaient la contre-partie. Le nabab ou ses agents ne perdaient cependant pas de vue cette affaire et lorsqu’ils voulaient nous ennuyer, ils savaient parfaitement la rappeler d’une façon plus ou moins claire en mettant nos privilèges en discussion. En 1737 l’alerte fut assez sérieuse pour que Dupleix envisageât à nouveau l’interruption de notre commerce pendant plusieurs années, comme un moyen d’en finir avec ce passé toujours inquiétant (lettre à Burat du 21 juin 1737).

On verra au chapitre consacré aux comptoirs les difficultés de diverses natures sans cesse renouvelées que Mirza Mohamed nous suscitait à Patna dont il était nabab ; son frère ne nous inquiétait pas moins dans le Bengale où il résidait de préférence. En août 1737 il prétendit obliger les trois nations européennes à prendre livraison d’une certaine quantité de salpêtre qu’il avait à Hougly et dont il ne trouvait pas acquéreur. Les Européens s’entendirent pour répondre que leurs magasins en étaient pleins et que s’ils achetaient leur salpêtre ailleurs qu’à Patna leurs établissements en cette ville deviendraient tout à fait inutiles. Ces arguments excellents en théorie ne pouvaient aboutir à un heureux succès. Après deux mois de pourparlers il fallut songer à prendre la marchandise à un