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rité infime dans la population indoue ; ils continuent néanmoins à s’imposer à leurs compatriotes par leur savoir et, à l’occasion, par leurs sacrifices aux intérêts nationaux. Plus forts que les pouvoirs politiques eux-mêmes, ce sont eux qui ont fait l’Inde ce qu’elle est. Par la division de la population en castes, chacun s’est vu attribuer dès sa naissance un rôle social déterminé ; les conditions du travail en ont été la conséquence. C’est ainsi que dans une ruche le labeur des abeilles est réglé d’avance et rien n’est perdu. Et l’on travaille dans l’Inde moins qu’en Europe, plus qu’en Afrique. Les empires qui se sont établis ou succédés ont trouvé dans cette organisation fondamentale les cadres naturels de leur administration et de leurs budgets ; loin de la modifier, ils s’y sont étroitement adaptés et ont pu vivre de cette façon, sans autres obstacles à leur durée que les causes mêmes de la chute de tous les empires, l’imprévoyance ou la cupidité des hommes d’État.

Avant l’arrivée des Européens — et le tableau n’a guère changé depuis — les richesses du pays, qui ne sont pas très grandes en elles-mêmes, n’étaient arrachées au sol que par un travail intensif de l’homme, provoqué tant par les règles sociales que par la nécessité de contribuer aux charges de l’État. L’agriculture, réduite presque exclusivement à la culture du riz et des menus grains, était très développée, grâce à un ingénieux système d’irrigations qui suppléait aux pluies pendant les mois de sécheresse et permettait aux cultivateurs de faire deux récoltes par an ; l’industrie produisait dans la plupart des régions des mousselines et étoffes de soie et de coton. Il n’est pas jusqu’à l’organisation politique, si défectueuse fut-elle, qui ne contribuât à la richesse du pays ; alors qu’en d’autres parties du monde, où la société