Page:Martineau - Dupleix et l’Inde française, tome 1.djvu/240

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce vaisseau, est allé à Chandernagor prendre langue ; ainsi, s’il arrive accident à quelqu’un de nos vaisseaux de l’Inde, ce sera votre faute et celle des Anglais de Calcutta de n’avoir pas gardé le secret dans une affaire de cette importance[1]. »

Cependant Lenoir à Pondichéry n’était guère plus rassuré sur l’avenir que Dupleix et les Anglais ne l’avaient été au Bengale. Il craignait qu’au lieu de retourner directement en Europe, le vaisseau suédois ne revint à Porto-Novo pour y poursuivre le règlement de ses affaires et y entraver notre commerce. En quittant ce port pour le Bengale, l’Ulrich-Eléonor avait confié ses intérêts à un Anglais nommé Barington. Ce Barington n’était pas resté inactif. Il avait envisagé trois moyens de défendre les intérêts de ses commettants. Le premier était de faire sommation aux Français et aux Anglais de la part du roi de Suède de restituer l’argent et les objets saisis, sans pourtant qu’il y eut danger pour l’Ulrich-Eléonor de reparaître à Porto-Novo. Le second était, en cas d’échec, de faire intervenir le nabab d’Arcate, souverain effectif du roi de Tanjore ; le troisième enfin, si les deux premiers ne réussissaient pas, était d’user du droit de représailles, en se saisissant des navires maures ou étrangers que le Suédois pourrait trouver sur sa route.

C’était l’exercice de ce droit qui avait effrayé Dupleix et les Anglais du Bengale ; il ne toucha pas moins Lenoir et les Anglais de Madras. L’Ulrich-Eléonor avait une excellente artillerie et soixante Européens à bord ; aucun navire français ou anglais n’était capable de lui résister. On ne pouvait le tenir en échec que par des efforts combinés. Lenoir et Pitt se mirent aisément d’accord. Dès les premiers jours de janvier Lenoir envoya le Saint-Pierre à

  1. C. P., t. I, p. 257 ; A. P., t. 102, p. 337.