Page:Martineau - Dupleix et l’Inde française, tome 1.djvu/302

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Gange a eu un bon motif. Cependant, comme ces sortes de déroutes imprévues dérangent l’ordre de nos dispositions, nous lui marquons qu’il ne doit user du pouvoir que nous lui avons donné à cet égard que dans des cas absolument forcés et dans lesquels il doit donner toute son attention pour que rien ne souffre, s’il est possible, de ces sortes de changements ». En lisant ces lignes, le Conseil supérieur se rendit aisément compte que la Compagnie défendait moins un principe qu’elle ne plaidait des circonstances atténuantes, et il se donna la satisfaction de répondre (2 janvier 1738) : « Nous ignorions que M. de la Bourdonnais eut le pouvoir de changer la destination des vaisseaux des Indes. La Compagnie ne nous a rien marqué ; son ambition lui a fait demander à la Compagnie des pouvoirs beaucoup plus étendus qu’il n’en devrait naturellement avoir. S’il dispose à son gré des vaisseaux qui viennent aux Indes, nous devons nous attendre à voir tous les ans quelque changement dans la navigation qui pourrait déranger les affaires. Les Compagnies d’Angleterre et de Hollande suivent dans leur commerce et dans la navigation de leurs vaisseaux un plan fixe et invariable, formé sur une longue expérience, sans donner dans de chimériques projets dont le but n’est pour l’ordinaire que de satisfaire l’ambition et la cupidité de leurs auteurs. Le commerce et la navigation des Indes doivent être le principal objet auquel tout autre doit céder[1]. »

Ambition, cupidité, voilà de bien gros mots sous une plume officielle. Dupleix n’en employait pas d’autres l’année précédente dans sa correspondance privée. Sans exagérer leur gravité, ils éclairent pourtant comme d’un

  1. A. P., t. V. Lettres de la Compagnie du 30 octobre 1736 et réponse du Conseil supérieur du 2 janvier 1738.