Page:Martineau - Dupleix et l’Inde française, tome 4.djvu/39

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pris et dut se sauver tout nu dans les montagnes ; il courut à pied pendant une demi-heure, puis ayant fini par trouver un cheval, il fit d’une seule traite sept lieues avec les débris de son armée. Tout fut abandonné dans le camp ; la déroute de l’ennemi et notre victoire furent complètes. Au petit jour, Bussy laissa la poursuite des Marates à 10.000 cavaliers que lui donna le soubab.

À la suite de cette action, Bussy fut reçu par le soubab comme un général victorieux. On avait assemblé tous les seigneurs de l’armée. Le divan vint recevoir Bussy à cinquante pas en avant de sa tente et avant de l’embrasser lui jeta beaucoup d’argent sur la tête d’après un rite en usage chez les gentils. Puis il le conduisit après du soubab, en même temps que Kerjean, Vincens, Muzaffer kh. et Cheik Ibrahim, qui s’étaient particulièrement distingués. Le soubab en le voyant fit deux pas en avant pour l’embrasser et le combla ainsi que les quatre autres officiers de cadeaux et de bijoux.

« Il est inutile de vous dire, écrivait Bussy à Dupleix ce même jour, l’honneur que tout ceci va faire à la nation ; vous le sentez mieux que moi. La réputation de Balagirao était à ce point qu’il faisait trembler l’empereur même et son père, pour me servir de l’expression de ces gens-ci, avait touché de sa lance les portes de Delhi. Tous les vieillards se sont rappelés dans le durbar les histoires depuis Tamerlan ; ils n’ont rien vu, disent-ils, de semblable. Il me serait difficile de vous dire combien de fois le nom de nabab Govendour [sans doute Dupleix] a été répété ; c’est avec justice que cette nation vous exalte ; vous avez sacrifié pour elle votre bien, votre santé et vos parents. L’on ne doit jamais oublier que votre valeur, votre fermeté et votre sagesse sont la cause de la gloire que la nation acquiert aujourd’hui dans cette partie du monde. Votre génie vous conduit ici ; ainsi il n’est pas surprenant que nous réussissions ; les motifs qui me guident et dont je vous promets de