Page:Martineau - Dupleix et l’Inde française, tome 4.djvu/404

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à voir les esprits aussi prévenus contre tout système ayant la guerre comme fondement.

Ce qui frappera encore dans toutes les lettres, c’est la croyance que la mission Godeheu n’a qu’un caractère temporaire et qu’après le règlement des affaires, Dupleix restera dans l’Inde comme gouverneur. S’il en eût été autrement, on ne lui eût pas donné tous ces conseils de sagesse et de modération. Cette croyance était si solide qu’un moment sa famille et ses amis, réunis en une sorte de conseil, discutèrent la question de savoir s’il ne devait pas revenir en France aussitôt après l’arrivée de Godeheu ou prolonger son séjour de deux ans encore. L’idée du retour fut rejetée parce que tout le monde eut crû à un rappel et que le prestige de Dupleix en aurait été amoindri ; quant à rester, on le laissa libre de prendre telle résolution qu’il lui conviendrait.

On ne se dissimula pas cependant qu’avec son caractère vif, impatient et dominateur, Dupleix pouvait tout compromettre. Aussi jugea-t-on utile de le prévenir tout de suite de la décision du ministre : il ne fallait pas qu’il put céder à un mouvement de vivacité regrettable, dans le cas où Godeheu, par un départ précipité, apporterait lui-même la nouvelle de sa mission. Aucun navire n’étant en partance pour l’Inde, Guillaume Dupleix écrivit à son oncle par voie d’Alep et de Bassora pour l’inviter, au premier contact avec Godeheu, à faire preuve de douceur et de conciliation. Quelques-unes de ses lettres devaient lui parvenir sous le couvert des Carmes de Bassora, d’autres sous celui du consul de France à Alep. Il y en eut même une qui fut remise le 1er octobre à Vienne au ministre autrichien Kaunitz pour qu’il l’envoyât dans l’Inde par voie de Turquie et de Bassora. Guillaume Dupleix calculait que cette lettre devait arri-