ment pas dans le commerce ; on n’engageait pas d’ordinaire plus de sept à huit millions chaque année. Le ministre ne parvint pas à s’expliquer cette différence ; il en fut confondu, soupçonna hautement Dupleix de dissimuler la vérité et crut à des chiffres faux et truqués. Ce nouveau grief s’ajouta aux autres.
Devant tant de motifs de douter de la sincérité des opérations qui s’accomplissaient dans l’Inde, effrayé de la responsabilité qu’il assumait en couvrant une politique dont les fils lui échappaient, Machault se résolut enfin (29 octobre), d’accord avec son collègue Rouillé, ministre de la marine, à définir le caractère de la mission de Godeheu et à arrêter ses instructions. Et tristement peut-être, mais avec la conscience de faire un acte nécessaire, il décida le rappel de Dupleix. Pour ne provoquer dans le public aucune émotion, pour éviter surtout des réclamations désagréables, la résolution resta le secret des quelques personnes qui devaient nécessairement la connaître, et Machault continua en public de garder un visage impénétrable. La famille et les amis de Dupleix, notamment Savalette, ne connurent rien de ses intentions ; la Compagnie elle-même ne fut pas mieux renseignée et le jour où Godeheu s’embarqua, chacun pouvait encore se demander quelle était la nature de sa mission, combien de temps elle durerait et si Dupleix reviendrait ou resterait à la tête de la colonie.
Machault communiqua ses instructions à Godeheu le 1er novembre dans les termes suivants :
« Je vous envoie, Monsieur, vos instructions secrètes ; le paquet qui les renferme contient les ordres et lettres qui sont nécessaires pour l’exécution de ce qui vous est prescrit ; la suscription vous annonce que le paquet ne doit être ouvert