Page:Martineau - Dupleix et l’Inde française, tome 4.djvu/495

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Mais nous sommes au xviiie siècle où ces préoccupations ne troublaient aucun esprit. Les peuples d’Europe se reconnaissaient un droit supérieur à disposer du sort des nations les plus faibles, en raison même de leur faiblesse. Dupleix avait les idées de son temps et il ne considéra pas un instant qu’il pouvait commettre un attentat contre l’Inde en l’assujettissant à la domination française. C’était le droit du plus fort qui s’exerçait dans le sens où l’a formulé La Fontaine. Contrairement à ce qui se passa en d’autres pays et en d’autres temps, il ne fut guidé par aucune préoccupation religieuse ; la conversion à la religion catholique d’un peuple habitué à une foi millénaire ne fut jamais son but ; ce ne fut non plus dans un intérêt de civilisation ou de progrès, ce vocabulaire est d’invention plus moderne ; ce ne fut pas non plus dans une intention politique, nul n’imaginait encore à cette époque que les colonies pussent un jour être associées à la vie et à l’existence même de la métropole ; Dupleix se proposa beaucoup plus simplement de rendre nos opérations commerciales plus faciles en retirant d’un territoire qui ne serait plus limité à la côte des revenus suffisants pour se passer des fonds de France, dont l’envoi était subordonné à des vicissitudes parfois fâcheuses. De là sa théorie du revenu « fixe, constant et abondant » qu’il formula de façon si magistrale en son mémoire du 16 octobre 1753.

Il s’était en effet rendu compte que les frais généraux de nos établissements étaient fort élevés pour un territoire extrêmement restreint et qu’ils ne coûteraient guère plus s’ils étaient répartis dans un pays plus vaste, d’où l’on tirerait tout à la fois de nouveaux revenus plus importants encore que ceux de l’établissement principal et des facilités plus grandes pour notre commerce : les