Page:Martineau - Dupleix et l’Inde française, tome 4.djvu/497

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C’est en cela que les conceptions de cet homme furent nouvelles pour son époque. Au Sénégal et à la côte d’Afrique, on négligeait à peu près systématiquement l’intérieur pour ne se livrer qu’au commerce des esclaves et à quelques opérations secondaires sans importance. Les Îles d’Amérique étaient trop petites pour que l’on pût songer à limiter nos établissements à la côte, la souveraineté s’étendait normalement sur tout le pays ; au Canada qui était pour ainsi dire sans habitants et où les tribus n’avaient pas de demeures absolument sédentaires, on put fonder des bourgs et même des villes sans trop se préoccuper du droit de possession des Indiens ni se heurter à des intérêts très directs, mais dans l’Inde où il y avait une population nombreuse et des états constitués, avec une civilisation très ancienne et des traditions séculaires, il était peut-être moins prudent d’intervenir dans les affaires des princes avec l’arrière-pensée de profiter de leurs querelles pour fonder un empire sur la ruine de leur domination. Soucieuses du danger, les compagnies de France et d’Angleterre avaient toujours recommandé à leurs gouverneurs de se limiter à la côte, où elles étaient d’ailleurs sollicitées d’établir des comptoirs pour faire bénéficier les souverains concessionnaires du sol de droits de douanes fort utiles à l’équilibre de leurs budgets. Les gouverneurs de Madras et de Pondichéry s’étaient toujours conformés à ces instructions. En rompant avec ces traditions, Dupleix créa un fait nouveau dont le danger seul apparut à la Compagnie, aux Ministres et même à l’opinion. Il était donc naturel qu’on lui recommandât la paix : c’était la suite logique d’un siècle d’histoire et d’expérience et la direction des destinées d’un pays n’est pas affaire de caprice ou d’impression.